Cannabis : Le gouvernement Macron ne comprend rien aux adolescents !

Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur, Gérard Colomb, a annoncé la forfaitisation du délit de consommation du cannabis, afin de ne pas éteindre l’action pénale . Et pourtant, la veille, les conclusions de l'étude ARAMIS publiées par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), structure officielle d’information des pouvoirs publics, sont préoccupantes...

Alcool

Aujourd’hui, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a annoncé la forfaitisation du délit de consommation du cannabis, afin de ne pas éteindre l’action pénale. Cette décision, traduit des représentations archaïque sur le cannabis, perçu comme un drogue étrangère avec un niveau de dangerosité assimilé à celui de l’heroïne et la cocaïne .

Or, la veille, l’étude ARAMIS publiées par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), présente des résultats qui devraient appeler à une politique différente. En effet, la nouvelle génération a une représentation fortement dégradée du tabac et minimise la nocivité de l’alcool et du cannabis.

L’étude ARAMIS (Attitudes représentation, aspirations et motivations lors de l’Initiation aux substances psychoactives) a la particularité d’être une étude qualitative qui interroge le contexte des consommations et les représentations des produits consommés. L’OFDT a pour cela mené une vaste campagne d’entretiens auprès de 200 mineurs nés entre 1996 et 2002, enrichie d’observations en direct.

 

Quatre éléments mettent en valeur l’échec des campagnes d’information et de prévention ainsi que de l’application de la législation :

  • 1er constat : La forte disponibilité de l’alcool, du tabac et du cannabis, alors qu’ils sont légalement interdits à la vente aux mineurs ou illicites et l’omniprésence des occasions de consommer

  • 2e constat : Les témoignages recueillis indiquent que le tabac est « dénormalisé » auprès des jeunes. Il a une image « résolument négative ». Ils décrivent une dégradation physique, la souffrance et la mort. Cette génération est la première qui a traversé l’enfance et l’adolescence sous un régime légal interdisant la cigarette dans les lieux publics, les établissements scolaires, les bars et les discothèques. Cette «dénormalisation massive du tabac» auprès des collégiens et lycéens, qui ne fait plus de la cigarette «un passage obligé» de la sociabilité, s’est accélérée avec la hausse de son prix depuis le début des années 2000.

 

  • 3e constat : L’alcool est généralement associé à la fête, au bien-être, à l’insouciance et à la convivialité. « Le rapport à l’alcool est marqué par une injonction à consommer qui apparaît comme une norme à laquelle il est difficile de se soustraire ». Ainsi, ne pas boire expose, selon eux, au risque de passer pour un « rabat-joie » ou encore un « no-life ». Les risques de l’ivresse sont largement minimisés.

 

  • 4e constat : Quant au cannabis, il bénéficie d’une image positive auprès des jeunes. Sans cesse comparé au tabac, le cannabis est perçu comme presque aussi accessible. Il est d’autant plus normalisé que sa diffusion est large et que les jeunes le jugent moins dangereux que le tabac car moins addictif, n’étant assimilé ni à la maladie, ni à la mort et considéré comme « plus sain ». Le cannabis, «moins cher et presque aussi facile à trouver en pratique» selon les jeunes interrogés, est perçu comme «un produit naturel, bio, moins chimique». Cette image est accentuée par les propriétés « naturelles » prêtées à l’herbe, qui apparaît comme la forme d’usage principale du cannabis. Le cannabis est donc vu comme un produit inoffensif, en attesteraient ses usages thérapeutiques, bien connus du jeune public. Globalement, les initiations relèvent davantage d’un « désir de conformité sociale que d’une transgression ». Ceci entraîne uneincompréhension de l’interdiction de l’usage de cannabis, au regard de l’alcool qui reste pour eux un produit plus dangereux et légal.

 

 

Le projet de loi est donc en décalage total avec les perceptions de la jeunesse ; il ne pourra donc pas être compris. Il aurait fallu renforcer l’application des interdits de vente aux mineurs du tabac, de l’alcool et des jeux d’argent et contrôler toutes les stratégies de marketing de l’alcool ciblant les jeunes. Il aurait fallu également développer et rendre plus accessibles les structures d’aide et développer une politique de réduction des risques et des dommages.

 

L’étude Aramis montre également que les jeunes sont «demandeurs de repères et de techniques d’autorégulation» et suggère qu’une politique de prévention leur fournisse «des outils pratiques, des seuils», à partir desquels ils pourront déterminer si leur consommation est «normale ou excessive». (C’est ce que nous essayons de leur proposer avec les parcours de soin d’Addict Aide).

 

Michel Reynaud