Chaque cigarette fumée réduirait la vie d'environ 20 minutes.

Une étude britannique parue dans la revue "Addiction".

Tabac
Chaque cigarette fumée réduirait vie d'environ 20 minutes

La plupart des personnes qui fument sont conscientes que fumer peut raccourcir leur vie. En revanche, elles ne mesurent pas forcément l’impact de chaque cigarette fumée sur leur espérance de vie. La Grande-Bretagne dispose des données les plus fiables disponibles au monde pour estimer cette perte moyenne de vie par cigarette fumée. Elle est d’environ 20 minutes : 17 pour les hommes et 22 pour les femmes.

Le tabagisme est l’une des principales causes évitables de maladie, d’invalidité et de décès prématuré dans le monde. Les études épidémiologiques rapportent les effets néfastes du tabagisme à l’aide d’une série de paramètres, notamment des termes comme le risque absolu, les rapports de côtes, les rapports de risques, les rapports de hasards, les fractions attribuables à la population, ou encore les années de vie en bonne santé. Mais il peut s’avérer difficile d’exprimer ces effets néfastes d’une manière claire et accessible qui trouve un écho chez les fumeurs. Une façon potentiellement efficace d’exprimer les dommages causés par le tabagisme est d’estimer la perte moyenne d’espérance de vie pour chaque cigarette fumée.

En 2000, le British Medical Journal (BMJ) a publié une estimation suggérant que chaque cigarette fumée en Grande-Bretagne raccourcissait la vie d’un fumeur de 11 minutes en moyenne. Comme l’ont reconnu les auteurs, leur estimation reposait sur un certain nombre d’hypothèses, pour lesquelles nous disposons aujourd’hui de données plus fiables et plus récentes. Leur estimation de la mortalité reposait uniquement sur des données épidémiologiques concernant des médecins britanniques de sexe masculin suivis pendant 40 ans jusqu’en 1991. Leur estimation de la consommation de cigarettes au cours de la vie était basée sur un chiffre de 15,8 par jour pour les hommes âgés de 17 à 71 ans, tel qu’évalué en 1996.

On dispose à présent de données sur la mortalité masculine issues de la British Doctors Study avec un suivi pendant 50 ans jusqu’en 2001, et de données sur la mortalité féminine issues de la Million Women Study, également réalisée en Grande-Bretagne jusqu’en 2011. Ces études ont montré qu’après ajustement de facteurs de confusion importants (par exemple, la situation socio-économique), les fumeurs qui n’ont pas arrêté de fumer ont perdu environ 10 ans d’espérance de vie pour les hommes et 11 ans pour les femmes, alors que l’estimation précédente était de 6,5 années. En 1996, les femmes fumaient en moyenne 13,6 cigarettes par jour. Par conséquent, toutes choses étant égales par ailleurs, la perte d’espérance de vie estimée par cigarette passerait à 20 minutes au total : 17 minutes pour les hommes (11*10/6,5) et 22 minutes pour les femmes ((11*11/6,5)*(15,8/13,6) ; voir l’article original pour une explication plus détaillée du calcul).

Les données épidémiologiques indiquent que les dommages causés par le tabagisme sont cumulatifs et que plus la personne s’arrête tôt et plus elle évite de fumer de cigarettes, plus elle vit longtemps. Ainsi, une personne fumant 10 cigarettes par jour et qui arrête de fumer le 1er janvier 2025 pourrait éviter de perdre une journée entière de vie le 8 janvier, une semaine de vie le 20 février et un mois le 5 août. À la fin de l’année, ils pourraient elle pourrait éviter de perdre 50 jours de vie.

Des études suggèrent que les fumeurs perdent environ le même nombre d’années de vie en bonne santé que d’années de vie totales. Ainsi, le tabagisme empiète principalement sur les années intermédiaires relativement saines plutôt que de raccourcir la période de fin de vie, qui est souvent marquée par des maladies chroniques ou des handicaps. Ainsi, un fumeur de 60 ans aura généralement le profil de santé d’un non-fumeur de 70 ans.

Comme pour l’estimation du BMJ 2000, le chiffre actualisé fourni par les auteurs de l’article publié dans Addiction s’accompagne de quelques mises en garde importantes. Tout d’abord, il s’agit de moyennes sur l’ensemble de la population et sur l’ensemble des âges. Certains fumeurs vivent longtemps et en bonne santé, tandis que d’autres succombent à des maladies liées au tabagisme, voire meurent dans la quarantaine. Ces variations sont dues à des différences dans les habitudes de consommation (nombre de bouffées, profondeur de l’inhalation, etc.), au type de cigarette fumée et à la sensibilité individuelle aux substances toxiques contenues dans la fumée de cigarette. En outre, les dommages causés ne seront pas les mêmes pour chaque cigarette fumée au cours de la vie. Les risques du tabagisme pour la santé ne sont pas linéaires et il ne suffit pas de réduire la consommation – un arrêt total est nécessaire pour obtenir le maximum de bénéfices pour la santé et la vie. Chez certains individus, les avantages potentiels d’une réduction de la consommation peuvent être complètement annulés par l’augmentation des bouffées et de l’inhalation des cigarettes restantes. L’âge auquel on commence à fumer peut également jouer un rôle, les personnes qui commencent à fumer à un plus jeune âge étant potentiellement plus vulnérables aux maladies liées au tabagisme. Les études de mortalité montrent que les bénéfices de l’arrêt du tabac sur l’espérance de vie sont d’autant plus importants que l’arrêt est précoce. Une autre mise en garde des auteurs est qu’ils ont supposé que le nombre de cigarettes par jour était constant tout au long de la vie. En outre, les ratios goudron/nicotine ont diminué au fil des décennies et, étant donné que la plupart des effets nocifs du tabagisme proviennent du goudron, il est possible que l’exposition aux substances toxiques par cigarette ait diminué. Si c’est le cas, les estimations fournies sur la perte d’années de vie par cigarette seraient quelque peu élevées, mais le chiffre réel resterait très probablement considérablement plus élevé que l’estimation du BMJ 2000.

En conclusion, les auteurs estiment qu’en moyenne, les fumeurs britanniques qui n’arrêtent pas de fumer perdent environ 20 minutes d’espérance de vie pour chaque cigarette qu’ils fument. Il s’agit d’un temps qui serait probablement passé en relativement bonne santé. Arrêter de fumer à tout âge est bénéfique, mais plus tôt les fumeurs quitteront cet escalator de la mort, plus ils pourront espérer vivre longtemps et en bonne santé.

En savoir plus : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/add.16757