DROGUES / La lutte antidopage est-elle un idéal atteignable ?

Cet article s’inscrit dans le prolongement de la publication de l’ouvrage Les processus stratégiques coordonné par Thomas Durand et Sakura Shimada.

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Cet article s’inscrit dans le prolongement de la publication de l’ouvrage Les processus stratégiques coordonné par Thomas Durand et Sakura Shimada. En 17 chapitres, ce livre veut apporter une grille de lecture aiguisée sur la manière dont les organisations fabriquent leurs stratégies. Le chapitre 13, écrit sous ma plume, s’intitule « Le dopage, un tabou masquant un avantage concurrentiel dévoyé et redoutable ».

L’objet de ma présente contribution ne consiste pas à redévelopper la thèse dudit chapitre associant le dopage dans le sport à une forme de tricherie diaboliquement efficace pour gagner mais à faire prendre conscience à une large audience de la complexité et de la vulnérabilité de la lutte antidopage, une activité hautement stratégique mais néanmoins marginalisée. Ce qui m’anime dans ce combat est le fait de contribuer à protéger les sportifs intègres des sportifs dopés. En guise de titre, la question formulée revient finalement à se demander de manière terre à terre si les contrôles contrôlent et sanctionnent effectivement.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est bon de rappeler qu’il n’existe aucun système parfait et que la lutte antidopage ne déroge pas à cette règle. Primo, nous montrerons que la lutte antidopage est reléguée au second plan. Secundo, nous aborderons la méconnaissance de sa complexité sans cesse grandissante. Tertio, nous évoquerons sa fragilisation. Quarto, nous nous poserons quelques questions essentielles pour tenter d’améliorer cette situation préoccupante, autrement dit, pour essayer de colmater les failles que comporte le système actuel.

Un sujet secondarisé

La lutte antidopage sert une noble cause puisqu’elle a pour principal objet de garantir l’équité des compétitions sportives en s’assurant que leurs pratiquants n’emploient ni les substances ni les méthodes interdites stipulées par la réglementation en vigueur.

En théorie, l’on pourrait donc penser qu’elle ferait cause commune mais dans les faits l’on est très loin du compte et ce, pour trois raisons selon moi.

Premièrement, la lutte antidopage s’empare d’un tabou. Dans le milieu sportif, tout le monde ou presque connaît le proverbe : on ne fera jamais d’un âne un cheval de course. Fortement ancrée dans l’esprit des gens, cette courte phrase laisse sous-entendre qu’un sportif de niveau moyen, même en se dopant, ne pourra jamais devenir un champion ce qui confère au dopage un caractère d’autant plus permissif. En réalité, cette croyance populaire est une dangereuse aberration car les personnes initiées savent pertinemment que le dopage se révèle, bien au contraire, décisif pour remporter une épreuve sportive toutes choses étant égales par ailleurs.

Deuxièmement, la lutte antidopage n’est pas respectée car elle limite grandement les possibilités de gagner artificiellement et cette action contraignante entraîne chez nombre de sportifs son rejet voire son dénigrement.

Troisièmement, la lutte antidopage ne peut malheureusement pas se battre à armes égales contre les tricheurs parce qu’elle n’a pas les moyens de ses ambitions. À titre d’exemple, le budget consacré à la lutte antidopage en France est dérisoire au regard des enjeux colossaux, toutes disciplines sportives confondues.

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