Une synthèse scientifique réalisée par l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC).

Une équipe de chercheurs canadiens a identifié les spécificités des paris en direct au sein des autres formes de paris sportifs. Ils ont notamment mis en évidence une plus forte sévérité des problèmes de jeu, des dommages liés au jeu plus importants dans plusieurs domaines de la vie, et des difficultés de santé mentale et d’usage de substances plus marquées. Cette synthèse présente les principaux résultats à retenir.

Pourquoi avoir fait cette recherche ?

La participation à des paris sportifs a beaucoup augmenté ces dernières années et, si de nombreuses personnes la considèrent souvent comme une forme de jeu moins nocive que les autres, les études ont identifié de nombreux dommages (conséquences négatives) associés aux paris sportifs, notamment une plus forte sévérité des problèmes de jeu, une plus grande détresse psychologique et des conséquences financières plus importantes.

Il existe toutefois de nombreux types de paris sportifs, qui ne présentent pas tous le même niveau de risque. Par exemple, les paris simples ou combinés sont des formes de paris « discrètes », c’est-à-dire que le pari est réalisé avant l’évènement sportif. Au contraire, le pari en direct (ou in-play bet en anglais) est une forme de pari « continu », c’est-à-dire qu’il permet de parier tout au long d’un événement, ce qui multiplie les opportunités de mises.

Beaucoup affirment que les paris en direct ont des conséquences bien plus négatives que les autres formes de paris sportifs. Certaines études les comparent même aux machines de loteries électroniques, qui sont l’une des formes de jeu associée au plus hauts niveaux de problèmes de jeu, compte-tenu de la fréquence et de la rapidité de jeu possibles.

Quel est le but de cette recherche ?

La présente étude vise à déterminer le profil démographique et psychologique, ainsi que les dommages associés au jeu, chez des parieurs réalisant des paris en direct, comparativement à des paris simples ou autres paris sportifs plus traditionnels. L’objectif final était de mieux comprendre les spécificités de ce type de pari.

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

Un panel de 920 parieurs sportifs a été étudié. Les participants devaient être âgés de 18 ans ou plus, résider dans la province de l’Ontario au Canada et avoir parié au moins une fois sur les trois derniers mois sur des paris sportifs. Sur cet échantillon, 223 participants étaient des parieurs en direct, 533 réalisaient des paris sportifs simples et 164 des paris sportifs traditionnels.

Les 920 parieurs ont répondu à une enquête en ligne en renseignant des auto-questionnaires au sujet de :

• la détection et la sévérité des problèmes de jeu ;
• le niveau des dommages liés au jeu (au niveau financier, professionnel, psychologique et émotionnel, social, relationnel, et de la santé) ;
• les motivations à parier ;
• les traumatismes vécus dans l’enfance ;
• la capacité à réguler les émotions ;
• l’impulsivité ;
• les symptômes de dépression, d’anxiété et de stress ;
• les problèmes d’addiction à l’alcool ou au cannabis.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

De façon générale, les parieurs en direct présentaient un profil spécifique au sein des parieurs sportifs, alors que les parieurs réalisant des paris simples ou des paris traditionnels ne différaient pas (ou peu) entre eux.

Au niveau du jeu en lui-même, les parieurs en direct présentaient une sévérité des problèmes de jeu plus importante que celle des autres parieurs, ainsi que des dommages plus importants dans les 6 domaines explorés.

Par ailleurs, les parieurs en direct rapportaient des vulnérabilités psychologiques plus importantes que les autres types de parieurs : une exposition plus importante à des traumatismes dans l’enfance, plus de difficultés à réguler leurs émotions, plus d’impulsivité – en particulier une tendance plus marquée à agir de façon impulsive sous l’effet d’émotions positives ou négatives -, des niveaux d’anxiété, de dépression et de stress plus élevés, et enfin une consommation plus problématique d’alcool et de cannabis. Toutefois, l’étude ne permettait pas de savoir si l’engagement dans les paris en direct conduit à ces vulnérabilités ou si des personnes déjà vulnérables sont attirées par ce type de pari.

Au vu des similitudes structurelles entre les paris sportifs en direct et les machines de loteries électroniques (délai très court entre la mise et le résultat, et fréquence de jeu importante notamment), il pourrait être intéressant de tester pour les paris en direct des stratégies de prévention qui ont déjà fait leurs preuves pour les machines de loteries électroniques. En particulier, la réduction du rythme de jeu (nombre de mises possibles sur la durée de l’évènement sportif) pourrait permettre de diminuer le désir de rejouer, le temps passé à jouer, et surtout de réduire les dépenses de jeu et ainsi les dommages financiers liés à une pratique excessive. Une autre stratégie pourrait être d’imposer un appel téléphonique pour parier en direct, plutôt que l’utilisation facile et immédiate d’une application mobile. Cette stratégie est déjà en place en Australie, et permettrait de réduire l’aspect impulsif de la prise de paris en direct.

Les points clés à retenir ·       Les paris en direct représentent une forme de paris plus à risque et comprenant plus de dommages liés au jeu que les autres types de paris sportifs. ·       Les parieurs en direct présentent des vulnérabilités psychologiques accrues (traumatismes dans l’enfance, difficultés à réguler les émotions, etc.) par rapport aux autres types de parieurs sportifs. ·       Les caractéristiques des paris en direct, avec des opportunités de mises multipliées, renforcent et favorisent le jeu excessif, à l’instar d’autres formes de jeu rapide et fréquentes comme les machines de loteries électroniques. ·       Des stratégies de prévention ayant déjà fait leurs preuves pour les machines de loteries électroniques pourraient être efficaces pour réduire les risques associés aux paris en direct, comme par exemple la limitation du rythme des paris pendant l’évènement sportif.

 

Plus d’informations sur cette recherche :

Vieira JL, Coelho,SG, Snaychuk LA, Parmar PK, Keough MT, Kim HS
Who makes in-play bets ? Investigating the demographics, psychological characteristics, and gambling-related harms of in-play sports bettors
Journal of Behavioral Addictions (published online ahead of print 2023).
Lien : https://doi.org/10.1556/2006.2023.00030

Retrouvez la synthèse de l’article du mois « Enquête sur les profils des parieurs sportifs en direct » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.