Évaluation clinique de la méthode d’arrêt du tabac d’Allen Carr. Une étude publiée dans Tobacco Research.

Une étude monocentrique randomisée s’est déroulée en Irlande en 2016 et 300 fumeurs (au moins 5 cigarettes/jour) âgés de 18 ans ou plus y ont participé ; un appariement sur l’âge, le sexe et le niveau éducatif a permis de les affecter dans l’un des 2 groupes suivants : intervention brève (méthode Allen Carr) pour 151 fumeurs, et services en ligne (Quit.ie) pour 149 autres fumeurs.

Tabac

Nous le savons tous, la dépendance tabagique est triple : une dépendance pharmacologique à la nicotine, une dépendance psychologique (je fume quand je ne me sens pas bien, quand je suis stressé) et une dépendance comportementale (je fume par habitude, machinalement, de manière réflexe). De très nombreuses études scientifiques ont établi quels étaient les traitements efficaces dans la prise en charge du tabagisme, avec les interventions brèves, le soutien psychologique et les traitements pharmacologiques, c’est-à-dire les traitements de substitution nicotinique (TNS) en première intention, ainsi que la varénicline et le bupropion. Les taux de succès obtenus sont variables, mais de l’ordre de 7%–31% à 12 mois (1, 2, 3).

Pour le 1er groupe, il s’agissait d’un séminaire Allen Carr de 5 heures, animé par du personnel formé à cette méthode, avec la possibilité de fumer pendant les pauses et se terminant un rituel de « dernière cigarette » et une séance de relaxation de 20mn. Deux séances de suivi étaient proposées également.

Pour le 2ème groupe, Quit.ie est un portail internet permettant l’accès à de nombreux services d’information et de soutien comportemental : téléphone, emails, sms, réseau social (groupe FaceBook). Un suivi quotidien pendant 1 mois était proposé, ainsi que 2 entretiens téléphoniques de suivi avec un spécialiste de l’arrêt du tabac. Le recours à un traitement pharmacologique (traitement nicotinique de substitution, bupropion ou varénicline) pouvait être proposé.

Lors de la visite initiale, à l’Institut Irlandais de Recherche TobaccoFrre à Dublin, et lors des visites de suivi (à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 1 an), une pesée et une mesure du taux de CO dans l’air expiré étaient faites, et un questionnaire rempli (test de Fagerström, nombre de tentatives d’arrêt antérieures, recours à la vape).

L’objectif principal de cette étude était l’arrêt du tabac à 3 mois.

Avec la méthode Allen Carr, la prévalence du sevrage tabagique est plus élevée qu’avec les services Quit.ie :

  • à 1 mois : 38% vs 20%,
  • à 3 mois, 27% vs 15%,
  • à 6 mois, 23% vs 15%,
  • à 1 an : 22% vs 11%.

Une analyse multivariée a été effectuée (régression logistique) pour connaître les facteurs de succès (arrêt du tabac) à 3 mois, avec ajustement sur l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, le CO initial, le nombre de tentatives d’arrêt antérieures et le délai réveil-1ère cigarette.

Le sevrage tabagique à 3 mois est plus élevé avec la méthode Allen Carr (OR = 2,26) et pour les fumeurs de niveau éducatif élevé (OR = 3,62).

Par contre, la prise de poids est plus importante dans le groupe « méthode Allen Carr » (3,8 Kg) que dans le groupe « Quit.ie » (1,8 Kg).

 

Cette étude représente le 1er essai clinique randomisé sur la méthode « Easyway to Stop Smoking » d’Allen Carr, le livre vendu à plus de 1,3 millions d’exemplaires. En plus du livre, il existe un programme, basé sur une séance de groupe de parole, une assistance téléphonique et un contrat de suivi. Avec cette méthode, c’est la dépendance psychologique avec la peur d’arrêter, qu’il faut supprimer. Allen Carr dit que « la dépendance nicotinique n’est rien en comparaison de l’esclavage que représente la dépendance psychologique ». Elle n’est donc pas prise en compte, et cela explique la prise de poids plus importante (3,8 Kg vs 1,8 Kg) : la nicotine favorise la lipolyse et j’ai l’habitude de dire à mes patients « 1 paquet de cigarettes classiques, 20 cigarettes = 200 Kcalories qu’il faudra brûler autrement à l’arrêt du tabac ».

Cette méthode s’adresse donc plus aux fumeurs ayant une dépendance nicotinique faible voire absente.

La Société Francophone de Tabacologie préconise d’associer aux TNS des interventions brèves, des entretiens motivationnels, des thérapies cognitives et comportementales (TCC).

Il convient donc d’évaluer systématiquement la dépendance nicotinique (test de Fagerström), ainsi que la dépendance psychologique (test de Horn) et la dépendance comportementale. Le dossier de tabacologie permet de le faire faire à nos patients fumeurs.

 

Références bibliographiques

1 Zhu S, Melcer T, Sun J, et al. Smoking cessation with and without assistance: a population-based analysis. Am J Prev Med 2000;18:305–11.

2 Kotz D, Brown J, West R. Predictive validity of the Motivation To Stop Scale (MTSS): a single-item measure of motivation to stop smoking. Drug Alcohol Depend 2013;128:15–19.

3 West R, Owen L, 2012. Estimates of 52-week continuous abstinence rates following selected smoking cessation interventions in England [Internet]. http://www. smokinginengland. info/ reports/

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

  • Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)
  • 7ème Centre Médical des Armées (Varces)
  • Institut Rhône Alpes Auvergne de tabacologie (Lyon)

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