La religiosité protège-t-elle de l’addiction aux jeux d’argent et de hasard ?

Jeux d’argent et de hasard

Cette étude Nord-Américaine a pour objectif d’évaluer l’impact de la religiosité sur l’activité de jeu de hasard et d’argent (JHA) ainsi que de la croyance en la chance. Les auteurs justifient leur choix d’examiner l’impact de la religiosité et de la croyance en la chance du fait des similitudes entre ces deux concepts qui impliquent tous deux l’espoir, la prière et la conviction. L’intérêt autour de la religiosité et de son impact sur l’engagement dans une activité de JHA est motivé par le fait que les enquêtes épidémiologiques et la recherche supportent très largement le point de vue que la pratique d’une religion et la dévotion protègeraient des comportements de JHA. Plusieurs aspects aideraient à expliquer l’impact de la religion sur la pratique du JHA. Premièrement, de nombreuses autorités religieuses promeuvent activement les messages anti-jeu, décourageant alors son activité. Deuxièmement, les attentes du groupe de pairs pourraient conduire à éviter les JHA afin de ne pas être désapprouvé ou jugé et troisièmement, il pourrait y avoir moins de temps de loisir disponible pour les jeux d’argent en raison du temps consacré à la participation à des activités religieuses. Sur la base de ces données, les auteurs émettent l’hypothèse que la religiosité permettrait de prédire un parcours addictif plus bénin chez les personnes souffrant d’un TJHA tandis que la croyance en la chance le péjorerait. Pour répondre à cela, un suivi longitudinal d’une durée de 24 mois, est réalisé sur une cohorte de joueurs avec et sans TJHA, durant lequel la religiosité et la croyance en la chance sont évaluées. Chacune des composantes de la religiosité est évaluée par la passation de la « Duke University Religion Index for Religion Assessment » (DUREL), qui sont la religiosité publique, privée et intrinsèque (ou dévotion). La religiosité publique concerne la participation à des fonctions, rassemblements religieux, sa composante privée est relative à l’engagement dans les prières, tandis que sa composante intrinsèque concerne le degré d’engagement et de motivation personnelle. A cette évaluation, s’ajoute la « Drake Beliefs About Chance Inventory » (DBC) qui permet d’évaluer les différentes composantes de la croyance en la chance que sont la superstition et l’illusion du contrôle.

Au terme de ce suivi, les auteurs confirment que la religiosité joue un rôle de modération ou d’extinction des comportements de JHA, avec une sévérité moindre du TJHA, de moindre conséquence, une évolution moins chronique mais aussi de plus forts taux de rémission. Les personnes présentant un TJHA ont montré des scores plus faibles que celles exemptes de TJHA sur les composantes de religiosité publique et intrinsèque. Ainsi la religiosité publique et intrinsèque pourrait avoir chacune une influence sur le TJHA du fait des contraintes qui leurs sont associées. La religiosité publique implique un engagement temporel réduisant le temps dédié au jeu et expose au regard et jugement des pairs, tandis que la religiosité intrinsèque, par l’intériorisation des textes sacrés et serment, exercerait un contrôle sur les pulsions individuelles.

Concernant les aspects de croyance en la chance, l’illusion du contrôle était prédictive d’un TJHA et d’une évolution chronique tandis qu’un faible niveau de superstition était prédictif d’un taux plus élevé de rémission. Ces résultats confirment qu’un faible niveau de croyance en la chance était associé à une évolution plus bénigne.

En conclusion, les auteurs suggèrent de poursuivre ces études en prenant en compte l’orientation religieuse des personnes d’autant qu’ils soulignent que certaines religions auraient un regard plus permissif concernant les activités de JHA tel que le catholicisme ou le judaïsme, alors que d’autres y sont plus fermement opposées tel que le protestantisme, l’islam et les témoins de Jéhovah. En ce qui concerne la pratique clinique, il est recommandé de prendre en considération l’orientation religieuse et spirituelle des patients afin d’encourager leurs engagements respectifs, voir de chercher le soutien de leur communauté religieuse dans le but de mieux contrôler leurs activités de jeu.

 

Résumé réalisé par Julie Giustiniani Md, PhD

  • Cheffe de clinique au CAAP Arve, service d’addictologie, Hôpitaux Universitaire Genevois.
  • Service de psychiatrie, unité d’addictologie CHU de Besançon

Bormann, N. L., Allen, J., Shaw, M., & Black, D. W. (2019). Religiosity and Chance Beliefs in Persons with DSM-IV Pathological Gambling Enrolled in a Longitudinal Follow-Up Study. Journal of Gambling Studies, 35(3), 849‑860.

Consulter en ligne