Evaluer les connaissances et attitudes des usagers de drogues en matière d’overdose : traduction en français, allemand, et espagnol, de deux échelles couplées, la OOKS et la OOAS

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Préambule :

Comme nous l’avons déjà présenté dans différentes études, les connaissances et l’attitude à avoir lors d’une overdose aux opioïdes sont finalement assez mal connues des usagers/patients eux même. Il est donc primordial pour les professionnels qui les entourent (soignants ou non) de pouvoir identifier et informer les principaux concernés. Qui n’a jamais eu un usager qui lui dit, quand vous évoquez l’overdose : « je ne risque rien, je sniffe, je n’injecte pas… »

En 2017, en Europe, plus de 8 000 personnes sont décédées d’une overdose. Certes, c’est nettement moins qu’aux US qui enregistrent en 2019, plus de 50 000 morts liées aux opioïdes. Leur pic épidémique n’est d’ailleurs pas terminé et si les décès liés à l’héroïne et aux opioïdes obtenus sur prescription diminuent, ceux liés au tramadol et fentanyloïdes continuent de progresser plus vite que ne baisse les autres catégories. (https://www.cdc.gov/drugoverdose/epidemic/index.html).

Introduction :

Pour endiguer cette épidémie d’OD, l’une des solutions est la mise à disposition de kit antidote de naloxone aux usagers/patients. Mais pour être efficace, les règles de bon usage doivent être transmises aux usagers et à leur entourage.

Deux échelles d’auto-évaluation ont été publiées :

LOOKS ou Opioid Overdose Knowledge Scale concerne les connaissances.
45 items (= 45 points) sur 4 thématiques : le risque, les signes, l’action et la naloxone
L’OOAS ou Opioid Overdose Attitudes Scale concerne les attitudes à avoir lors d’une Overdose ou OD. 
18 items (entre 28 et 140 points) sur 3 thématiques de la prise en charge d’une OD : compétences à gérer une surdose, préoccupations concernant cette OD, volonté d’intervention

Les propriétés psychométriques des deux échelles ont été confirmées dans une étude, qui a trouvé une bonne fiabilité et reproductibilité.

De plus, les scores aux deux échelles se sont avérés significativement corrélés avec deux outils d’évaluation de référence utilisant des entretiens structurés en face-à-face.

L’utilisation de ces deux échelles dans le cadre d’un programme d’information au bon usage a permis d’augmenter durablement les connaissances et compétences en cas d’OD.

Le problème étant que ces échelles ont été développées qu’en anglais. Et son utilisation en français (+ allemand et espagnol) n’est pas validée. L’objectif de cette publication est donc de les valider dans 3 autres langues dont le français.

Méthode :

La traduction a été réalisée en respectant les règles de l’OMS. Une première personne maîtrisant la langue de son pays traduisait puis cette traduction a été soumise à plusieurs experts qui ont pu en débattre pour l’améliorer le cas échéant. Ensuite, une rétro traduction en anglais a été faite à l’aide de Google translate puis soumise à un usager anonyme anglophone pour s’assurer de la concordance. Enfin, ces traductions ont été testées sur la population des pays concernés (France, Allemagne et Espagne).

Ensuite, ces questionnaires ont été soumis à des patients (consommateurs ou ex consommateurs d’héroïne) traités par médicament de substitution aux opioïdes dans 4 centres (Montpellier et Lyon pour la France, Hambourg pour l’Allemagne et Barcelone pour l’Espagne). Ces mêmes patients (31/pays) ont rempli de nouveaux ces questionnaires environ 10 jours après la première fois.

La partie validation statistique est présente dans l’article original.

Résultats :

93 participants pour 80 questionnaires exploitables.
 Age moyen 39 ans (20-61 ans), 21 % de femme, 29 espagnols, 27 français et 24 allemands.

Au global, entre le temps 1 et la seconde passation, il n’y a pas, ni pour la OOKS, ni pour la OOAS de corrélation entre les résultats obtenus.

Pour la partie française, idem.

Pour la partie espagnole, idem.

Pour la partie allemande, il existe une corrélation négative uniquement au temps 1 entre OOAS et OOKS.

Concernant l’OOKS, la fiabilité est bonne sur la version allemande, moyenne sur la française et l’espagnole. En revanche, la reproductibilité (entre t1 et t2) est très bonne sur toutes les versions et au niveau de la version anglaise initiale.

Concernant l’OOAS, la fiabilité est très bonne sur la version française et espagnole, mais pas sur l’allemand. En revanche, la reproductibilité est faible, alors qu’elle était bonne sur la version anglaise. Les auteurs supposent que certains participants ont dû répondre de façon aléatoire faussant les résultats. Le faible échantillon accentuant les écarts et donc les résultats moyens.

De plus, la version anglaise a été faite avec l’entourage d’usagers d’opioïdes et non les consommateurs eux-mêmes comme ici. Ceci explique probablement les différences obtenues sur les connaissances et attitudes à avoir dont la peur des forces de l’ordre lorsqu’il s’agit d’appeler les secours. Cette peur est probablement moins présente lorsqu’il s’agit de l’entourage/famille.

Perspectives :

Malgré certains résultats un peu décevants mais probablement liés au faible échantillon et à la méthodologie, les auteurs confirment que ces échelles traduites en français, allemand et espagnol seront utiles en pratique clinique.

Elles permettront une fois passées, de personnaliser l’information à l’usager et son entourage.

En conclusion, ces échelles sont des outils disponibles désormais en français pour évaluer les connaissances et l’attitude des usagers face aux OD. Les résultats permettront ensuite aux professionnels d’adapter le discours afin que l’usager puisse mieux acquérir les compétences. De plus, ces échelles peuvent être repassées post information (bonne reproductibilité) pour évaluer l’impact de l’information. Ces échelles peuvent également être un outil pour aborder avec vos patients/usager l’OD et la naloxone qui va avec.

Pour rappel, nous disposons à ce jour en France de : Prenoxad® (intramusculaire, disponible dans toutes les pharmacies de France, remboursé sur prescription).

A venir (2ème semestre 2021, lui aussi est remboursé et disponible dans toutes les pharmacies) : Nyxoid® (intranasale, 1 dose = 1 spray dans une narine contrairement au défunt Nalscue®).

Par Benjamin Rolland et Mathieu Chappuy