Les interactions entre l'arrêt du tabac et les traitements : un effet secondaire de "l'hôpital sans tabac" un article paru dans Drug and Alcohol Dependence

Depuis quelques temps, les initiatives d’« hôpitaux sans tabac » fleurissent çà et là, partout dans le monde. Ces projets, bénéfiques pour la santé de tous, voient néanmoins poindre un problème de taille : les conséquences d’un arrêt de tabac brutal sur les traitements de patients fumeurs hospitalisés.

Tabac

En effet, outre la nicotine, le tabac contient moult substances susceptibles d’entrer en interaction avec les traitements habituels de cette population, par divers mécanismes physiologiques et moléculaires.

Si la plupart de ces interactions s’avère sans grand impact clinique, ce n’est pas le cas pour certains médicaments, comme la clozapine, l’olanzapine (utilisés en santé mentale pour des pathologies comme la schizophrénie ou les troubles de l’humeur) et la théophylline (utilisé dans l’asthme), dont la concentration dans le sang varie selon l’usage de tabac, entrainant une variation des effets thérapeutiques et indésirables.

Dans plusieurs études, il a été montré que l’arrêt du tabac, a fortiori plus de quelques jours, provoque une hausse des concentrations de ces traitements, source de divers effets indésirables gênants voire graves.

Pour cette étude rétrospective menée dans un hôpital sans tabac australien, les chercheurs ont inclus les patients fumeurs hospitalisés en 2015 et ayant au moins un de ces trois médicaments à l’arrivée. Parmi eux, 90 patients ont été classés dans la catégorie à fort risque d’interactions médicamenteuses du fait de l’arrêt du tabac, avec 30 patients hospitalisés en psychiatrie.

L’étude montre que, malgré le degré d’implication des soignants dans les soins, ces interactions n’étaient peu voire pas prises en compte.

Plus précisément pour les patients hospitalisés en psychiatrie, un quart seulement des interactions ont été repérées, uniquement pour la clozapine, et uniquement par les pharmaciens qui vérifiaient les ordonnances.

Ces résultats sont d’autant plus préoccupants qu’on sait qu’une grande partie des patients souffrant de schizophrénie, donc susceptibles d’être hospitalisés en psychiatrie, sont fumeurs. Dans cette population pour laquelle la stabilisation des symptômes et la maitrise des effets secondaires demande un ajustement fin des posologies médicamenteuses, il est absolument nécessaire que les professionnels de santé soient avertis des risques d’interactions à l’arrêt du tabac et vigilants par rapport aux variations de concentration des médicaments.

Les auteurs se questionnent en conclusion à juste titre sur la mise en place d’alertes électroniques se déclenchant automatiquement dans le dossier du patient.

Julia de Ternay (interne de psychiatrie à Lyon)

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