Intensité douloureuse et craving à la nicotine : Les liaisons dangereuses

Le tabagisme demeure encore aujourd’hui la principale cause de décès évitable dans le monde. De nombreuse usagers tentent de s’arrêter seuls ou accompagnés, mais les rechutes sont fréquentes, d’autant plus chez ceux déclarant un craving fort pour le tabac au moment de l’arrêt.

Tabac

Le tabagisme demeure encore aujourd’hui la principale cause de décès évitable dans le monde. De nombreuse usagers tentent de s’arrêter seuls ou accompagnés, mais les rechutes sont fréquentes, d’autant plus chez ceux déclarant un craving fort pour le tabac au moment de l’arrêt. Cette envie irrépressible de consommer (« urge to smoke ») est définie comme le désir aigu pour les effets du tabac, et est associé à un plus haut niveau de dépendance. La douleur semble également jouer un rôle dans ce phénomène, comme facteur de motivation à la consommation et facteur de rechute.

 

On retrouve effectivement un lien entre douleur et tabagisme dans la littérature. Chez les patients douloureux, on retrouverait près de deux fois plus de fumeurs qu’en population générale. Certains modèles proposent que douleur et tabac interagissent sous la forme d’une rétroaction positive, qui entrainerait une augmentation du niveau global de la douleur chez les fumeurs, et donc une poursuite des consommations de tabac, avec une élévation de la quantité quand le niveau de douleur augmente. Certains articles l’ont d’ailleurs démontré, en mettant en évidence une augmentation de l’envie de fumer et de la fréquence de consommation chez des sujets lors de stimulations douloureuses induites.

 

D’autres aspects semblent impliqués dans ce phénomène. Les affects négatifs font références à une forme de détresse subjective qui englobe tout un panel d’émotions désagréable. Ils sont souvent retrouvés dans les périodes douloureuses et joueraient un rôle dans l’augmentation du craving à la nicotine dans ce contexte (effet de renforcement négatif). La dramatisation de la douleur (« Pain catastrophizing ») est une construction cognitivo-affective qui reflète la tendance à interpréter la douleur réelle ou anticipée de manière exagérée. Elle est associée à une détresse physique et émotionnelle plus importante en réponse à une douleur aigue. On retrouve plus de fumeur chez les patients présentant ce trait, et certains auteurs ont conceptualisé que le tabagisme serait un moyen de « gérer » la douleur en pouvant augmenter leur consommation en fonction de son niveau ressenti.

 

L’hypothèse des auteurs de cet article était que l’intensité de la douleur serait associée positivement au craving à la nicotine, et à l’envie de consommer pour supprimer les affects négatifs. Ils ont également postulé qu’il existerait une association entre douleur, affects négatifs et craving. Enfin, ils émettent l’idée que la dramatisation de la douleur influencerait le lien entre douleur et craving, dans le sens d’une aggravation.

 

Dans leurs résultats, ils ont effectivement retrouvé que l’intensité de la douleur était positivement associé au craving et à l’utilisation dans le but de lutter contre les affects négatifs. L’association entre intensité de la douleur et craving était par ailleurs retrouvé de manière plus importante chez les sujets à faible niveau de dramatisation de la douleur par rapport à ceux qui en présentaient un niveau élevé.

 

En conclusion, les auteurs confirment le rôle important de la douleur, et de ses constructions connexes, dans le maintien du tabagisme chez les patients douloureux. Ils proposent donc de poursuivre les recherches sur les facteurs cognitivo-affectifs pouvant influencer la relation entre douleur et motivation à fumer.

Par Julien Cabé 

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