Intérêt de la e-cigarette chez un patient qui ne souhaite pas arrêter le tabac ?

Tabac

Le Moi(s) Sans Tabac approche à grand pas (novembre 2022) et nous souhaitons à tous les fumeurs qui s’y essaieront une bonne participation.

Souvenez-vous, début 2022, le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) publiait son avis où l’on pouvait lire : « Recommandation N°1 : les professionnels de santé qui accompagnent un fumeur dans une démarche de sevrage tabagique se doivent d’utiliser des traitements médicamenteux ou non ayant prouvé leur efficacité. Les connaissances fondées sur les preuves sont insuffisantes pour proposer les SEDEN comme aides au sevrage tabagique dans la prise en charge des fumeurs par les professionnels de santé. »

SEDEN = Systèmes Electroniques de Délivrance de la Nicotine

En résumé, pas assez de données pour promouvoir la e-cigarette lorsqu’un patient souhaite arrêter le tabac.

En pratique, si effectivement la première ligne reste les substituts nicotiniques à la bonne posologie, quid en cas d’échecs ou de refus d’utilisation par le patient ? Que lui proposer pharmacologiquement ?

Nous sommes bien dépourvus surtout depuis que la Varénicline a disparu de nos possibilités depuis plus d’un an et pour laquelle aucune date de retour n’est annoncée par la firme pharmaceutique qui la commercialisait.

Si je fais l’impasse sur le Buproprion (un amphétaminique), il ne reste donc que cette fameuse e-cigarette non recommandée par le HCSP. De façon pragmatique, bien que son mode d’action ne soit pas l’idéal pour tous lorsque l’on souhaite traiter une addiction, elle n’en reste pas moins un excellent outil de réduction des risques peu toxique comparé à la cigarette.

On retrouve une vidéo du ministère de la santé anglais sur le sujet.

Une publication récente a étudié l’impact de la e-cigarette dans l’arrêt du tabac et participera peut-être (avec d’autres études) à faire changer les futures recommandations.

Introduction : différents articles montrent que chez des fumeurs qui ont l’intention d’arrêter le tabac, la e-cigarette favorise la réduction et/ou le sevrage tabagique.

Les auteurs de cette publication ont voulu connaitre l’impact de la e-cigarette chez des fumeurs qui ont ou non l’intention d’arrêter le tabac.

Méthode : l’étude longitudinale a été réalisée entre 2016 et 2020 chez des adultes vivant aux Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni ou Australie. Le suivi a été de 18/24 mois. Ils étaient tous fumeurs quotidiens et n’avaient pas vapoté dans les 6 mois précédant leur inclusion.

Résultat : 2815 personnes ont terminé l’étude.

A l’inclusion, 28% prévoyaient un arrêt du tabac dans les 6 mois, 34 % dans le futur (> 6 mois), 26 % ne prévoyaient pas d’arrêter de fumer et 13 % ne savaient pas.

Parmi ceux qui ne veulent pas arrêter, ce sont majoritairement des hommes, âgés de plus de 55 ans, de plus gros fumeurs et de plus faible position socio-économique.

A l’issue du suivi, 13,5% des fumeurs se sont mis à l’e-cigarette quotidiennement.

Ils étaient 16,3 % pour ceux qui au départ ont exprimé un souhait d’arrêt dans les 6 mois contre 10,3 % de ceux qui n’ont pas ce souhait.

19,3 % des fumeurs qui comptent arrêter dans les 6 mois ont arrêté le tabac contre 7,1 % de ceux qui ne désirent pas arrêter.

Parmi les fumeurs qui, au début de l’étude, prévoient d’arrêter de fumer dans les 6 mois à venir, l’utilisation quotidienne de la vape est associée à une probabilité presque double d’arrêter de fumer, bien que cette estimation n’ait pas été statistiquement significative (AOR= 1,91, 95%CI : 0,91-4. 00). Ceux qui, au départ, ne prévoient pas d’arrêter de fumer dans les 6 mois et qui ont commencé à vapoter quotidiennement ont vu leur probabilité d’arrêter de fumer multipliée par 8 par rapport à ceux qui n’ont pas commencé à vapoter (AOR= 8,58, 95%CI : 5,06-14,54).

 Discussion : la principale conclusion de cette étude est qu’il existe une forte association positive entre l’adoption du vapotage et l’arrêt de la cigarette chez les fumeurs qui ne prévoyaient pas d’arrêter de fumer.

Plus précisément, ceux qui ne prévoient pas d’arrêter de fumer au cours des six prochains mois et qui ont commencé à vapoter quotidiennement ont enregistré un taux d’abandon de la cigarette de 32 %, contre 7 % chez leurs homologues qui n’ont pas commencé à vapoter.

Comme toute étude, celle-ci présente des limites, liées à sa conception (chronologie, déclaratif, biais de mémoire…) et à la taille (modeste) de son échantillon mais elle apporte un éclairage sur les personnes qui ne souhaitaient pas arrêter.

En conclusion, pour les fumeurs de cigarettes quotidiens qui ne prévoient pas d’arrêter de fumer, l’adoption du vapotage quotidien serait associée à des taux d’arrêt du tabac plus élevés qu’en absence de vapotage. Les études qui se concentrent exclusivement sur les fumeurs qui envisagent ou tentent d’arrêter de fumer peuvent sous-estimer les avantages potentiels du vapotage quotidien pour l’arrêt du tabac au niveau de la population.

Cette étude montre que finalement les plus grand gagnants du vapotage sont ceux qui au départ ne voulait pas arrêter le tabac. Ainsi, lorsqu’un patient ne désire pas arrêter le tabac, les professionnels de l’addiction au tabac devraient présenter ce dispositif qui participera peut-être à l’arrêt du tabac non prévu initialement.

Lien vers l’étude (non disponible en open access)