INTERVIEW / Cancer: «l’environnement joue un rôle très faible comparé au tabac et à l’alcool» (Le Figaro)

Y a-t-il vraiment plus de cancers qu’avant ? Comment expliquer que près d’un cancer sur deux aurait pu être évité ? Quel rôle joue l’environnement ? À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer, Le Figaro fait le point avec Catherine Hill, épidémiologiste.

Alcool

Rares sont les personnes qui n’ont pas dans leur entourage au moins une personne touchée par le cancer. L’Institut national du cancer estime d’ailleurs que trois millions de personnes âgées de 15 ans et plus sont actuellement en rémission de leur cancer en France. Chaque année, près de 400.000 nouvelles personnes reçoivent un tel diagnostic. Y en a-t-il vraiment plus qu’avant? À quoi est-ce dû? À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer qui a lieu le 4 février, Le Figaro a interrogé Catherine Hill, épidémiologiste. Elle a dirigé le Service de biostatistiques et d’épidémiologie de l’Institut Gustave Roussy de 1994 à 2004.

LE FIGARO. – Peut-on dire que le cancer est le mal du siècle?

Catherine HILL. – Oui et non. Oui parce que le cancer représente une part grandissante de l’ensemble des maladies et des causes de décès. Non parce que cette augmentation est due à la diminution des autres risques: cardiovasculaires, accidentels, respiratoires, infectieux. D’ailleurs, le risque de cancer diminue lui aussi, mais moins vite que le risque cardiovasculaire. C’est ainsi que l’espérance de vie augmente.

LE FIGARO. – Y a-t-il davantage de cancers aujourd’hui qu’autrefois?

En valeur absolue, il y a plus de cancers car la population augmente et qu’il y a une plus grande proportion de gens âgés. Mais si l’on compare la situation actuelle à celle d’il y a quelques années, à taille de population et répartition d’âges égales, l’incidence annuelle diminue nettement chez les hommes et est à peu près stable chez les femmes. La mortalité par cancer, elle, diminue pour les deux sexes.

Quelles sont les tendances marquantes?

L’incidence des cancers diminue chez les hommes pour plusieurs raisons: on diagnostique moins de cancers de la prostate et ils boivent et fument moins qu’avant. Dans les années 1950-1960, les trois quarts fumaient, ils ne sont «plus que» 30 % aujourd’hui. Chez les femmes, l’incidence et la mortalité par cancer du sein diminuent, mais l’incidence et la mortalité par cancer du poumon augmentent énormément car les femmes se sont mises à fumer sérieusement seulement depuis les années 1970. Le risque va continuer à augmenter avec le vieillissement des générations nées vers 1960, qui sont celles qui ont le plus fumé.

On estime que 41 % des cancers diagnostiqués en 2015 auraient pu être évités. Comment expliquer cela?

Pour certains cancers, on ne connaît pas les facteurs déclencheurs. Leur survenue est imputable à une malchance génétique. C’est le cas par exemple de certains cancers du sein, de la prostate et du pancréas. À l’inverse, on connaît précisément l’origine de certaines tumeurs. On dispose d’une liste d’expositions certainement cancérogènes pour l’homme, et on peut calculer la part des cancers attribuable à ces expositions si l’on connaît la proportion de la population exposée et l’augmentation du risque associée à cette exposition.

Parmi les cancers évitables chez les hommes, près des deux tiers auraient été évités s’ils n’avaient pas fumé, un sur cinq aurait été évité en ne buvant pas d’alcool, un peu plus de 10% aurait été évités avec une alimentation équilibrée (au moins 300g de fruits, 300g de légumes, 25 g de fibres, et deux portions de laitage par jour, pas plus de 300g de viande rouge par semaine et le moins possible de viandes transformées), et un peu plus de 10% aussi en évitant les expositions professionnelles. Viennent ensuite l’obésité et le surpoids, les infections, l’exposition aux rayons ultraviolet du soleil et des salons de bronzage, le radon dans les maisons, la pollution de l’air, les irradiations diagnostiques et le fait de faire moins de 30 minutes d’activité physique par jour.

Chez les femmes, le tabac représente un cancer évitable sur quatre, l’alcool un sur cinq, le surpoids et l’obésité près d’un sur cinq, une alimentation équilibrée un sur sept, les infections cancérogènes un sur huit (comme les papillomavirus, responsables de cancers du col de l’utérus), le soleil et les salons de bronzage de presque un sur dix. Viennent ensuite une activité physique insuffisante, le traitement hormonal de la ménopause, les irradiations diagnostiques, le radon dans les maisons et la pollution de l’air.

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