Psychiatre addictologue, Guillaume Airagnes, directeur de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), nous partage sa parole d’expert sur les jeunes et les addictions.
Les faits marquants ?
L’un d’entre eux va à l’encontre des idées reçues. Depuis les années 2010, on observe en effet une baisse des consommations de substances psychoactives chez les adolescents français : alcool, tabac, cannabis, cocaïne, ecstasy… Certaines baisses sont spectaculaires. Le tabac par exemple : en 2011, 31 % de tabagisme quotidien chez les lycéens vs 6,2 % en 2022.
Ce recul des consommations des adolescents français se constatent aussi au niveau international* :
- Consommation d’alcool au moins une fois avant l’âge de 11 ans : 1ère place du classement pour la France en 2018 et 12ème place en 2022.
- Consommation de tabac au cours des 30 derniers jours à l’âge de 15 ans : 14ème place du classement en 2018 et 26ème place en 2022.
Les hypothèses non exhaustives qui expliquent cette baisse ?
- L’action publique, ses campagnes de prévention,
- Une volonté proactive de déployer des programmes de développement des compétences psychosociales des jeunes, qui les aident à résister à l’influence d’un groupe, à développer leur esprit critique et à s’affirmer… jouant un rôle important dans la réduction de leur niveau de consommation,
- Un changement dans les modes de sociabilisation des jeunes : via les réseaux sociaux, les médias numériques plutôt qu’en partageant des consommations de substances.
Les points de vigilance ?
- La santé mentale se dégrade : ce n’est pas parce que les niveaux de consommation de substances psychoactives baissent chez les adolescents que cela signifie nécessairement que leur santé mentale est bonne. Dans l’enquête ESCAPAD 2022, 5,6 % des jeunes de 17 ans présentent un risque important de dépression. C’est 3 points de plus qu’en 2017.
- L’émergence d’autres substances psychoactives : poppers, gaz hilarant… En 2022, 5,4 % des lycéens déclarent avoir déjà expérimenté le gaz hilarant, qui provoque pourtant des déficits en vitamines B12 lorsqu’il est utilisé régulièrement, essentielles au fonctionnement des neurones.
Comment prévenir, agir ?
En poursuivant les actions de santé publique et en développant les programmes d’optimisation des compétences psychosociales des jeunes. Pour les substances émergentes, à la fois informer les différents publics, et faire de la prévention auprès des jeunes et des professionnels de santé amenés à les côtoyer. Et combiner cela à des mesures de respect des interdits qui sont protecteurs.
*Enquêtes HBSC et EnCLASS France 2018 et 2022 menées dans 44 pays.
Muriel Gutierrez (Amande épicée)