Jeux d’argent en ligne : quelles différences de comportement entre les femmes et les hommes ?

Les différences de comportements et de sensibilités entre les femmes et les hommes face au jeu sont réelles et doivent être prises en compte pour adapter la prévention et les soins.

Jeux d’argent et de hasard

Une synthèse scientifique réalisée par l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC).

L’équipe de l’IFAC a mené une enquête sur 450 joueuses et joueurs en ligne, visant à comparer les pratiques de jeu des femmes et des hommes. Si les femmes mobilisent à la fois moins d’argent et moins de temps pour le jeu que les hommes, elles rapportent plus souvent des conséquences financières négatives du jeu. Cette synthèse présente les principaux résultats à retenir.

 Pourquoi avoir fait cette recherche ?

En France, comme dans d’autres pays, les jeux d’argent en ligne se sont beaucoup développés au cours de la dernière décennie et la proportion de femmes joueuses n’a cessé d’augmenter. Plusieurs études scientifiques montrent des différences entre les hommes et les femmes, notamment au niveau de leurs motivations et du type de jeu choisi.

Ainsi, les femmes préfèrent jouer à des jeux de hasard pur (loteries, machines à sous, cartes à gratter) tandis que les hommes se tournent plus facilement vers des jeux d’adresse et de hasard (paris sportifs, paris hippiques, poker). Concernant les motivations à jouer, les femmes jouent plutôt pour échapper à des émotions négatives et pour éviter l’ennui, alors que les hommes cherchent l’excitation, la démonstration de compétences et des gains d’argent.

Malgré ces différences importantes dans la perception du jeu, la grande majorité des études sur le jeu ne tiennent pas ou peu compte des particularités liées au sexe.

Quel est le but de cette recherche ?

L’objectif de cette étude est d’étudier les différences sociodémographiques et de caractéristiques liées au jeu entre les femmes et les hommes, dans un échantillon de joueuses et joueurs en ligne, afin d’en tenir compte dans les stratégies de prévention et de soins dédiées aux problèmes de jeu.

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

L’étude a été réalisée de 2013 à 2018 sur un échantillon de 450 participants recrutés grâce à des annonces dans les médias. Il s’agissait de femmes et d’hommes de 18 à 65 ans étant à parts égales des joueuses et joueurs récréatifs ou à risque (c’est-à-dire présentant un risque modéré de problèmes de jeu).

Les données étaient recueillies lors d’un entretien et portaient sur :

  • Les caractéristiques démographiques : le sexe, l’âge, le niveau d’enseignement, la situation matrimoniale, l’emploi et les revenus ;
  • Les habitudes liées au jeu en ligne : les problèmes liés au jeu, les pratiques, les informations sur le compte de jeu, le budget, le temps de jeu… ;
  • Les motivations principales ;
  • Les conséquences négatives liées au jeu, notamment par rapport à la situation financière du joueur.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Les résultats de l’étude confirment la préférence des femmes pour les jeux de hasard pur, avec une fréquence de jeu globale plus faible que les hommes.

De manière générale, les femmes mobilisent à la fois moins d’argent et moins de temps pour le jeu que les hommes. Elles sont aussi plus susceptibles de s’imposer elles-mêmes une limite de budget dédié au jeu, qui équivaut à environ la moitié de celui des hommes. Paradoxalement, elles signalent plus souvent des conséquences négatives financières liées au jeu que les hommes, alors même que les dépenses consacrées au jeu sont moindres.

Ce paradoxe peut s’expliquer d’une part par un revenu mensuel significativement plus faible que celui des hommes dans l’échantillon interrogé, rendant les conséquences financières du jeu plus rapidement visibles pour les femmes. D’autre part, il pourrait être expliqué par la théorie des rôles de genres. Les femmes seraient ainsi incitées à agir en fonction de normes, de valeurs et d’attentes qui leurs seraient assignées par la société. Ce phénomène mêlant socialisation et charge mentale induirait une sensibilité différente vis-à-vis du temps et de l’argent consacrés aux jeux. Les femmes opteraient pour des jeux mobilisant moins de temps et d’argent (comme c’est le cas pour les jeux de hasard pur), ce qui leur permettrait de garder le contrôle sur leur pratique de jeu afin de maintenir leur indépendance financière et leur gestion du temps. Ainsi, leur rôle de genre ne permettrait pas au jeu de prendre une place prédominante dans leur vie quotidienne, ce qui les protègerait indirectement de dérives addictives. Ceci explique sans doute pourquoi les chiffres de prévalence des problèmes de jeu sont généralement plus bas chez les femmes que chez les hommes.

Ces différences de comportements et de sensibilité entre les femmes et les hommes vis-à-vis du jeu doivent être prises en compte dans les stratégies de prévention et de soins.

Les points clés à retenir

·       Les femmes dépensent globalement moins d’argent pour les jeux en ligne (deux fois moins que les hommes).

·       Pourtant, elles signalent plus souvent des conséquences financières négatives.

·       Elles passent moins de temps sur les jeux en ligne que les hommes.

·       Les stratégies et prévention et de soins doivent intégrer ces différences de comportement et de sensibilité entre les femmes et les hommes.

Plus d’informations sur cette recherche :

Saillard A, Grall-Bronnec M, Rousselet M, Thiabaud E, Leboucher J, Caillon J, Challet-Bouju G. Online Gambling in France: Comparison of Women and Men (chapter 17). In: Behavioural Addiction in Women: An International Female Perspective on Treatment and Research, sous la direction de F. Prever, G. Blycker et L. Brandt. Routledge, 2023.

Lien : https://www.routledge.com/Behavioural-Addiction-in-Women-An-International-Female-Perspective-on-Treatment/Prever-Blycker-Brandt/p/book/9781032067025

Retrouvez la synthèse de l’article du mois « Jeux d’argent en ligne : comparaison entre les femmes et les hommes » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.