L'actualité culturelle des addictions #5

La sélection de notre partenaire Thibault de Vivies qui nous présente plusieurs œuvre culturelle sur les addictions.

Toutes les addictions

Avec la permission de Gandhi

Un roman de Abir Mukherjee

Traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle

Editions Liana Levi, 13 janvier 2022, 320 pages

« cembre 1921, le Raj tremble. Un certain Gandhi prône la désobéissance civile et des foules de manifestants pacifiques mais déterminés s’apprêtent à envahir les rues de Calcutta. Comment éviter que l’élégant prince de Galles, en visite officielle, ne soit témoin de la révolte qui gronde ? C’est à cette situation inédite que la police impériale est appelée à se mesurer alors que dans la région des meurtres inexplicables se multiplient. Le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee n’ont pas peur de se battre sur plusieurs fronts, mais pour Wyndham se rajoute une lutte serrée contre une addiction à l’opium de plus en plus envahissante. Tandis que Banerjee se donne un mal de chien pour concilier l’inconciliable : sa sympathie pour les courants indépendantistes et son appartenance à la police du colonisateur honni. Malgré leur pugnacité, l’issue de tous ces combats est loin d’être acquise. » Quatrième de couverture

« La première bouffée de la première pipe a été une délivrance. Avec la deuxième, les tremblements ont cessé, et avec la troisième mes nerfs se sont détendus.
J’en ai demandé une quatrième. »

C’est dans les vapeurs d’une fumerie d’opium, dans le quartier chinois de Calcutta, que nous plongent les premières pages du troisième volet de la série romanesque de Abir Mukherjee. L’opium, les Chinois en font toujours commerce à cette époque et ses effets sédatifs et antalgiques soulagent les douleurs lancinantes que traîne le Capitaine Wyndham de la police impériale, un vétéran anglais de la Grande Guerre qui sait bien que c’est l’Empire britannique qui a imposé son produit phare dans la deuxième moitié du XIXème siècle. L’addiction à l’opium qui poursuit le Capitaine depuis le premier volet, L’attaque du Calcutta-Darjelling, prend une tournure qui ne sera pas sans l’handicaper… C’est sous effets de l’opiacé, et en tentant de fuir une descente de la brigade des moeurs dans la fumerie, que Wyndham tombe nez à nez avec la première victime d’une longue série de meurtres dont il devra démêler les tenants et les aboutissants… Le récit se déroule dans le contexte historique d’une visite d’état en pleines manifestations pacifiques pour l’indépendance de l’Inde. Cette réalité historique du moment aura sa part dans l’enquête que mèneront le Capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, qui devront alors lutter contre leurs démons intérieurs pour ne pas se perdre.

A lire également : L’attaque du Calcutta-Darjelling, Editions Liana Levi, 2019 et Les princes de Sambalpur, Editions Liana Levi, 2020

Je suis toujours vivant

Une bande dessinée de Asaf Hanuka et Roberto Saviano

Editions Gallimard, 19 janvier 2022, 148 pages

« Pour la première fois, l’auteur de Gomorra raconte sa vie en sursis.

Des chambres d’hôtel anonymes, sept gardes du corps, deux voitures blindées. C’est le quotidien sous haute protection de l’auteur napolitain depuis le succès phénoménal de Gomorra, son roman-enquête sur la mafia locale – la Camorra – publié en 2006. Depuis lors, sa vie a radicalement changé, mais celui qui n’est jamais plus rentré chez lui a choisi son camp: il ne se taira pas. De la crainte des voitures piégées à celle des pizzas empoisonnées, il imagine les divers scénarios de son assassinat et, évoquant son enfance, sa famille, ses ennemis, il livre un récit intime et saisissant. Le récit inédit d’une vie en sursis. » Quatrième de couverture

« Avec le temps, j’ai appris qu’il existe deux sortes d’histoires :
celles qui se terminent par la mort du personnage principal
et celles qui se terminent par sa victoire. »

Si Roberto Saviano est passé clairement récemment à la fiction avec deux romans traduits en français, Baisers féroces et Piranhas, sa première enquête, Gomorra, l’a condamné à une peine à la hauteur de sa renommée et de l’influence de la Camorra. Mais l’homme ne compte pas se taire pour autant et poursuit son travail souterrain sans vraiment se plaindre… Cette bande dessinée en est la preuve.

N’importe où sauf ici

Un roman de Rob Doyle

Traduit de l’anglais (Irlande) par Alice Zeniter

Edition Au Diable Vauvert, 20 janvier 2022, 432 pages

« Des banlieues de Paris aux clubs de junkies berlinois, des festivals ensoleillés d’Islande aux éveils métaphysiques de l’Asie, d’une Europe au bord de la destruction aux révélations bouleversantes générées par la DMT, voici le journal d’une éblouissante, intime et profonde célébration de l’art et du vieillissement, du sexe et du désir, des limites de la pensée et des sensations extrêmes.

N’importe où sauf ici confirme le statut de Doyle comme l’un des auteurs les plus originaux de la littérature contemporaine irlandaise. » Quatrième de couverture

« C’est symptomatique de ma trentaine : l’attrait des psychotropes a diminué
et le malaise que m’inspire la prise de drogues en général a grandi. »

Si le narrateur de ce récit en forme de carnet de bord est bien moins porté sur les usages dorénavant, il nous fera profiter de ses expériences psychoactives du passé et des effets dont il a profité, effets loin d’être négligeables et négatifs. Ce sont les hallucinogènes qui l’attireront le plus, à commencer par les champignons psilocybes pour finir par l’ayahuasca, cette mixture amazonienne qui permet de profiter de sa molécule active, à savoir la DMT… Rob Doyle nous embraque ici dans ses pérégrinations, souvent littéraires, qui le font voyager sur les traces de ses auteurs préférés et lui donne alors l’occasion de rencontres humaines et d’expérimentations d’usage qui le font à leur tour voir du pays mais sans se déplacer. Cette autofiction est, par certains moments, une somme de trip reports qui ne se contentent pas de présenter les produits et de décrire leur mode de consommation et effets, mais aussi d’y associer l’état d’esprit qui habite l’usager, en l’occurrence celui d’un narrateur en quête de mouvements, de connexions et de sensations fortes, qui se questionne beaucoup mais veut surtout bien être « n’importe tout sauf ici »…

 

Enquête sur un scandale d’état

Un film de Thierry de Perreti

Sortie en salles : 09 février 2022

« Octobre 2015. Les douanes françaises saisissent sept tonnes de cannabis en plein cœur de la capitale. Le jour même, un ancien infiltré des stups, Hubert Antoine, contacte Stéphane Vilner, jeune journaliste à Libération. Il prétend pouvoir démontrer l’existence d’un trafic d’État dirigé par Jacques Billard, un haut gradé de la police française. D’abord méfiant, Stéphane finit par plonger dans une enquête qui le mènera jusqu’aux recoins les plus sombres de la République. » Synopsis

« On laisse passer les trafiquants aux frontières, et on suit la drogue. »

Cette proposition d’un haut responsable de la lutte contre le trafic de stupéfiants ressemble à une injonction qui se transformera en système dont il n’est pas simple de définir les contours et la véritable limite à poser. Dans cette histoire triangulaire qui implique un ancien infiltré, un journaliste et un patron de la lutte antidrogue, il n’est pas si évident de démêler la part du vrai et du faux tant les intentions des différents acteurs ne sont pas toujours très claires. Entre gloriole, mythomanie, paranoïa et roublardise difficile de se prononcer objectivement… Adapté des confidences d’un indic officieux de l’ancien directeur de l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants), désormais OFAST (Office anti-stupéfiants) depuis cette affaire, le film tente de nous expliquer comment un organisme d’état, sous couvert de lutte efficace contre le trafic de drogues, n’a pas lésiné sur les moyens et a pris des raccourcis en contournant la loi pour arriver à ses fins… Quitte à laisser passer les produits ou à organiser même leur venue sur le territoire français, autant passer à l’étape supérieure et mettre en place une légalisation contrôlée qui aura au moins le mérite d’être transparente et de légalement remplir les poches de l’état…

Les Soprano by Sofilm

Un ouvrage collectif

Editions Capricci, 10 novembre 2021, 160 pages

The Wire by So film

Un ouvrage collectif

Editions Capricci, 03 mars 2022, 160 pages

« Plus de 20 ans après sa diffusion, Les Soprano est considérée comme la plus grande série de la télé moderne. Dans cet ouvrage illustré par Simon Bournel-Bosson, les meilleures plumes du magazine Sofilm mêlent portraits, stories, interviews et analyses pour lever le voile sur les coulisses du chef-d’œuvre de David Chase. Des lieux cultes du New Jersey au casting d’Italo-Américains, en passant par des focus sur la nourriture, les costumes, la psychanalyse ou la musique… Revisitez les figures légendaires, les histoires secrètes et les batailles souterraines d’une œuvre totale qui n’avait pas encore livré tous ses secrets. » Quatrième de couverture de Les Soprano by Sofilm

« Vingt ans après la sortie de son pilote, The Wire (Sur écoute) reste sans aucun doute la plus grande fresque politique et criminelle de l’Amérique moderne. Dans cet ouvrage inédit richement illustré, les journalistes du magazine Sofilm vous emmènent faire un tour à Baltimore, à la recherche d’Omar, de McNulty et tous les autres.

Voilà le guide ultime pour se replonger dans les racines de la corruption et du trafic de drogue, aux origines du chef-d’œuvre de David Simon… Le tout accompagné d’illustrations en couleurs grand format. » Quatrième de couverture de The Wire by Sofilm

« J’aimais sa manière de montrer que le problème de la drogue affecte
toute la société et les institutions. »

Kurt Schmoke, ancien maire de Baltimore, à propos de David Simon

Il est des séries qui auront marqué durablement l’histoire de la télévision et celles de la fiction associée aux usages ou trafics de drogues. Les Soprano dans une moindre mesure, du moins concernant la thématique des drogues, mais surtout The Wire sont à placées au panthéon des oeuvres télévisuelles qui ont su contourner les idées reçues et les représentations toutes faites sur le trafic pour devenir alors mythiques, à juste titre. Si Les Soprano exacerbe la réalité des mafias italos-américaines en grossissant le trait des personnalités qui la compose et se concentre alors sur celle d’une famille de mafiosi du New Jersey, The Wire va chercher, elle, du côté de l’observation méticuleuse de tout ce qui fait trafics et usages en plongeant le téléspectateur dans cinq saisons qui proposent autant de prismes différents pour décortiquer les enjeux et forces en présence. A l’origine de cette série diffusée sur la chaîne HBO de 2002 à 2008, une enquête de David Simon, journaliste à Baltimore, enquête titrée The Corner : enquête sur un marché de la drogue à ciel ouvert, publiée en 1997 et adaptée en mini-série en 2000. La série se concentrait sur un quartier de Baltimore pour décrire les acteurs du trafic mais aussi les usagers. The Wire va elle bien plus loin. En décortiquant une ville entière, d’un Corner au Baltimore Sun (journal local), en passant par les docks, les institutions politiques et scolaires, rien n’échappe aux téléspectateurs… Les deux ouvrages collectifs proposés par les éditions Capricci et le magazine Sofilm permettent de se replonger dans ces deux séries pour en apprendre un peu plus sur leurs origines, leurs créateurs, leur construction et leur déroulé tout en savourant un certain nombre d’anecdotes qui nous éclairent aussi bien sur la fabrique télévisuelle que sur le sujet traité…

A paraître en juin : Breaking Bad by Sofilm