Analyse des co-consommations d'alcool et de cannabis dans les sevrages tabagiques

Au gré des opportunités, l’adolescence est propice à l’expérimentation de l’usage de substances psychoactives et de comportements particuliers, dont la répétition est susceptible d’entrainer un abus, voire une dépendance. Ainsi chez les jeunes de 10-18 ans, les niveaux de consommation de certains produits, tels que l’alcool, le tabac ou encore le cannabis sont élevés, et leurs conséquences sanitaires et sociales constituent une préoccupation de premier plan en santé publique, portée notamment par les Plans Gouvernementaux de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies dont le Plan Gouvernemental de Lutte contre la Drogue et les Conduites Addictives 2013-2017.

Tabac

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La consommation simultanée de cannabis et d’alcool chez les jeunes consommateurs de tabac est courante. En 2011, en France 4 % des adolescents de 17 ans se déclarent non seulement fumeurs quotidiens de tabac mais aussi consommateurs réguliers (au moins 10 fois par mois) de boissons alcoolisées ; 4 % sont à la fois fumeurs quotidiens de tabac et réguliers de cannabis. Enfin, 2 % sont polyconsommateurs réguliers de tabac, alcool et cannabis et 0,2 % sont des usagers réguliers de cannabis et d’alcool.

Ces consommations multiples et concomitantes ont un impact non négligeable sur la prise en charge des éventuels troubles qui en découlent. La consommation simultanée d’alcool est associée à de pires résultats en matière de sevrage tabagique, mais les résultats sont mitigés en ce qui concerne l’impact du cannabis sur les résultats en matière de tabagisme et si la consommation modérée conduit à une consommation accrue de substances non traitées.

Dans une étude américaine sur le sevrage tabagique chez les jeunes, des scientifiques ont cherché à évaluer l’impact du co-usage de cannabis ou d’alcool sur l’arrêt tabac, à examiner les changements intervenus dans le co-usage au cours de l’essai et à explorer l’impact de la varénicline, traitement largement répandu dans l’aide à l’arrêt du tabac, sur la co-utilisation des substances.

L’étude était un essai clinique randomisé de 12 semaines visant l’arrêt du tabac chez les jeunes (14 à 21 ans, N = 157; âge = 19 ans, 40% de femmes). Des données sur la consommation quotidienne de cigarettes, de cannabis et d’alcool ont été recueillies via des journaux quotidiens pendant l’étude 14 semaines après la fin de l’étude.

Ce travail a mis en évidence que les co-consommateurs de cannabis de base (68%) avaient deux fois plus de chances de continuer à fumer pendant l’essai que les non-consommateurs de cannabis, ce qui était prononcé chez les hommes et les grands consommateurs de cannabis. Les co-utilisateurs d’alcool de base (80%) n’avaient pas obtenu de résultats significativement différents en matière de tabagisme par rapport aux usagers ne consommant pas d’alcool, mais le fait de continuer à fumer était associé à une probabilité plus élevée de consommation simultanée. La varénicline n’a pas eu d’incidence sur la co-utilisation.

En contradiction avec la littérature antérieure, les résultats ont montré que les co-utilisateurs d’alcool ne différaient pas en termes de sevrage tabagique, alors que les co-utilisateurs de cannabis avaient des résultats de sevrage moins bons.

En conclusion, parmi les jeunes fumeurs de cigarettes inclus dans cette étude, la co-utilisation de l’alcool et / ou du cannabis était prévalente. La consommation simultanée de cannabis a eu une incidence sur les résultats de l’abandon du tabac, mais davantage chez les hommes et les grands consommateurs de cannabis, alors que la consommation simultanée d’alcool n’a pas d’incidence sur l’abandon du tabac. La réduction du tabagisme s’est accompagnée d’une réduction concomitante de la consommation d’alcool ou de cannabis. La co-utilisation de substances ne semble pas affecter tous les jeunes fumeurs de la même manière et les stratégies de traitement doivent éventuellement être adaptées de manière appropriée pour ceux qui ont moins de chances d’abandonner le tabac. Le traitement du tabagisme chez les jeunes gagnerait à mettre davantage l’accent sur la consommation concomitante de substances, en particulier de cannabis, mais devra peut-être être adapté de manière appropriée pour promouvoir l’arrêt du tabac.

Par Bernard Angerville

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