Le sevrage diminue t’il le craving et les affects négatifs ?

Le craving et la dysphorie (présence d’affects négatifs) sont sources de souffrance psychique et sont fréquents lors de la prise en charge d’un trouble de l’usage d’alcool (TUAL). Les patients imaginent le plus souvent que le sevrage et l’abstinence qui suit, au moins le temps de la prise en charge, intensifiera ce craving et cette dysphorie..

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Addiction Alcool - Le sevrage diminue t’il le craving et les affects négatifs ?

Le craving et la dysphorie (présence d’affects négatifs) sont sources de souffrance psychique et sont fréquents lors de la prise en charge d’un trouble de l’usage d’alcool (TUAL). Les patients imaginent le plus souvent que le sevrage et l’abstinence qui suit, au moins le temps de la prise en charge, intensifiera ce craving et cette dysphorie, malgré des données empiriques limitées et peu concluantes pour étayer cette croyance. Cette étude prolonge et reproduit, dans de meilleures conditions méthodologiques, des travaux antérieurs qui ont révélé une diminution du craving associée à l’initiation d’une période d’abstinence d’alcool après un sevrage médicalisé.

Soixante-dix-huit adultes (80,8% d’hommes), inclus dans un protocole de recherche évaluant par ailleurs l’efficacité clinique de la Prazozine dans le TUAL, ont complété quotidiennement des auto-évaluations sur leurs consommations d’alcool éventuelles, leur niveau de craving, et leur niveau de dysphorie pendant une période pouvant aller jusqu’ à 12 semaines (en moyenne 64,77 rapports quotidiens). L’étude mère évaluait l’efficacité de la prazosine contre un placebo pendant 12 semaines. Elle ne retrouvait pas de différence entre les deux groupes en dehors de la variation moyenne du nombre de jour de consommation importante (heavy drinking day). Les participants qui avaient complété assez d’évaluation quotidienne pour couvrir les 14 premiers jours d’abstinence couverts par le protocole ont été classés en trois sous-groupes : patients qui initient une abstinence après un sevrage (initiation, n=17) ; patients qui maintiennent une abstinence déjà débutée au début du protocole (maintien, n=20) ; patients qui n’ont finalement pas observé d’abstinence (non abstinents, n=41). La temporalité d’apparition d’un craving et d’une dysphorie ainsi que leur intensité respective ont été comparés entre chacun de ces trois groupes.

Les patients des 3 groupes ont signalé une diminution graduelles du craving au cours du traitement (qui associait de la Prazosine ou un placebo, ainsi que des entretiens de psychothérapie de soutien, des conseils, et l’accès à un groupe d’entre-aide). Les patients « initiation » ont identifiaient une diminution brutale lors de l’arrêt des consommations d’alcool. Les patients « non abstinents » ont signalé, eux, des niveaux de craving plus élevés que les patients « maintien » tout au long du traitement.

La dysphorie a suivi une trajectoire d’évolution différente. Les patients « initiation » ont expérimenté une diminution progressive des affects négatifs après l’initiation de l’abstinence, mais pas de diminution rapide juste avant ou immédiatement après l’initiation de l’abstinence comme pour le craving. Les patients « maintien » et « non abstinents » n’ont vu aucune évolution du niveau de dysphorie au cours de l’évolution du protocole, qui est resté élevé.

Le fait d’initier une période d’abstinence d’alcool semble donc associé à une réduction immédiate et importante du craving, suivie d’une diminution progressive du craving et de la dysphorie. Ces résultats permettent d’avoir un aperçu plus précis de la dynamique d’évolution du craving et de la dysphorie dans le sevrage et l’abstinence d’alcool. Ces données pourraient aider les patients à anticiper ces effets et à avoir une meilleure vision sur les perspectives d’amélioration, et ainsi de revenir sur certaines fausses croyances communes.

 

Par Nicolas Cabé 

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