Le tabac altère les performances cognitives des patients atteints de trouble psychotique.

Résultats d’une étude de cohorte néerlandaise publiée dans l’American Journal of Psychiatry.

Tabac

Si le cannabis est désormais bien identifié par les soignants en psychiatrie comme un facteur vulnérabilisant qui précipite les décompensations psychotiques, aggrave les symptômes, et assombrit le pronostic global de la schizophrénie, une mansuétude particulière reste encore souvent accordée au tabac. Du « Il n’a que ça » à la « pause clope pour qu’il se calme», le tabac reste un intrus toléré dans les services de psychiatrie, au sein d’hôpitaux qui affiche d’ailleurs fièrement à leur seuil « hôpital sans tabac ». Cette absurdité est d’ailleurs commode pour un certain nombre de soignants qui, en justifiant l’usage de tabac des patients dans l’établissement, trouve un moyen idéal de justifier le leur.

 

Oui mais les études récentes suggèrent que le tabac est loin d’être inoffensif chez les patients souffrant de troubles psychotiques. En 2014, un article de recommandations d’experts européens paru dans European Psychiatry rappelait déjà des résultats d’études montrant que les sujets fumeurs étaient beaucoup souvent réhospitalisés dans les six mois qui suivaient une sortie après une décompensation psychotique.

 

Une nouvelle étude de grande ampleur vient rappeler qu’après le cannabis, la lutte contre le tabac doit faire partie de toute prise en charge de qualité de sujets atteints de troubles psychotiques (et de troubles mentaux en général d’ailleurs). Ici, dans cette étude de cohorte multicentrique menée aux Pays-Bas, un suivi de six ans a été effectué chez plus de mille sujets atteints de trouble psychotique, plus de mille apparentés, et plus de cinq-cents sujets contrôle. Des évaluations cognitives été réalisées de manière longitudinale, de même que l’évaluation du niveau d’usage de tabac. Le lien entre les deux variables a été étudié sur la période du suivi à l’aide d’un modèle linéaire mixte, avec ajustement par les paramètres sociodémographiques et les données de sévérité clinique du trouble, ainsi que les comorbidités.

 

A l’inclusion, 66% des patients fumaient, contre 38,3% des apparentés, et 25,2% des contrôles. Les analyses ajustées montraient que l’usage de tabac était associé à une diminution de la vitesse de traitement de l’information cognitive chez les patients et les contrôles fumeurs, comparé aux patients non-fumeurs. Les patients qui arrêtaient de fumer, mais pas les contrôles, voyaient une récupération significative de leur vitesse de traitement de l’information. Ces résultats indiquent que l’usage de tabac est associé avec un fonctionnement cognitif altéré chez les sujets atteints de troubles psychotiques, et que l’arrêt du tabac améliore leurs performances. Cette étude a pris le soin de contrôler les analyses par l’intensité des symptômes psychotiques, ce qui permet d’éviter une critique fréquente selon laquelle, si les patients fument, c’est parce que les symptômes sont plus sévères et qu’ils altèrent davantage les fonctions cognitives, et que donc le tabac n’est pas la cause de l’atteinte, mais plutôt la conséquence. Ce même argument a longtemps été avancé aussi pour le cannabis. Il ne résiste pas aux études les plus récentes, qui ont pris le soin de contrôler un tel risque de biais.

 

Prendre en charge un patient avec trouble psychotique sans l’informer des conséquence de l’usage de cannabis et/ou de tabac, et sans travailler un projet d’arrêt de l’usage de ces substances, n’est-ce pas aussi grave que de ne pas lui proposer de traitement antipsychotique ?

Par Benjamin Rolland

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