Les Psychostimulants et les Pratiques à risque

Cette étude menée par les chercheurs de l’université de Cambridge a recherché la prévalence de l’utilisation non médicale de psychostimulants (amphétamines et méthylphénidate) dans un échantillon d’étudiants d’une université britannique et les liens qui existent avec leurs conditions physiques et mentales, en recherchant un lien potentiel avec les pratiques sexuelles à risque.

Autres drogues

En France la prescription de psychostimulants comme le méthylphénidate, aussi connue sous les noms commerciaux, Concerta LP® et Quasym LP®, la Ritaline®, est restreinte à des indications médicales précises notamment le Trouble de l’attention et de l’hyperactivité (TDHA) chez l’enfant de six ans et plus, avec une efficacité bien documentée dans la littérature.

Les organismes de surveillance ont observé une augmentation de l’usage détourné de ces molécules, autrement dit, son usage par des personnes qui ne souffrent pas d’hyperactivité, notamment chez l’adulte. L’OICS30 (Organe international de contrôle des stupéfiants) a constaté dans son rapport 2014 qu’un nombre croissant d’adolescents et de jeunes adultes abusaient de médicaments soumis à prescription contenant du méthylphénidate. Aux États-Unis, la prévalence de l’usage détourné de méthylphénidate chez les étudiants varie, selon les études, de 3 à 22%, le plus souvent dans un cadre de dopage intellectuel. Les utilisateurs rechercheraient également un sentiment de bien-être, ou un effet stimulant. Ils se procureraient ces substances par deal, ou par prescription, ou don d’un proche, ordonnance falsifiée ou par Internet, avec des posologies quotidiennes de 40 à 2800 mg, bien au-delà des doses préconisées dans le TDHA (60 mg).

Une étude menée par les chercheurs de l’université de Cambridge a recherché la prévalence de l’utilisation non médicale de psychostimulants (amphétamines et méthylphénidate) dans un échantillon d’étudiants d’une université britannique et les liens qui existent avec leurs conditions physiques et mentales, en recherchant un lien potentiel avec les pratiques sexuelles à risque. Un questionnaire en ligne de 156 items a été diffusé via email à un échantillon de 9449 étudiants de manière anonyme. La consommation de drogues dont l’alcool, les comorbidités somatiques et psychologiques, et les performances académiques ont été évaluées, conjointement avec l’évaluation de l’impulsivité et de la compulsion.

Au total, 3421 répondeurs, dont 60% de femmes, ont été inclus dans l’analyse. 7% de l’échantillon a rapporté une utilisation non médicale de psychostimulants en cours, tandis que 6% a rapporté une consommation passée. L’utilisation non médicale de psychostimulants était associée à des performances scolaires plus faibles, notamment une moyenne générale plus basse et à la prise d’un large éventail d’autres substances incluant l’alcool, la nicotine, les substances illicites, et les boissons contenant de la caféine. L’utilisation détournée de psychostimulants était significativement associée à l’impulsivité (échelle de Barratt), et aux antécédents de prise en charge pour troubles d’usage de substances. Les auteurs ont également retrouvé une prévalence élevée d’individus présentant une problématique de jeu pathologique, un syndrome de stress post traumatique et un trouble anxieux. Cependant aucun lien avec la dépression ou avec les troubles alimentaires n’a été retrouvé, bien que les psychostimulants soient utilisés pour perdre du poids. La relation avec un probable Trouble de l’attention et de l’hyperactivité (TDHA) était importante mais non significative sur le plan statistique. Au final, les individus consommant des psychostimulants étaient significativement plus actifs sexuellement, et étaient moins enclins à utiliser des moyens de contraception.

L’utilisation détournée de psychostimulants est fréquente chez les jeunes, avec une association forte avec l’utilisation d’autres drogues (licites et illicites), certains troubles psychiatriques (notamment le jeu pathologique, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique), des performances scolaires moindres et des pratiques sexuelles à risque.

Les cliniciens devraient rechercher plus régulièrement les mésusages de psychostimulants notamment dans les populations étudiantes. Le risque de détournement (qui peut être plus élevé pour les personnes vivant en colocation et pour les personnes ayant des antécédents de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives) mérite une évaluation minutieuse avant de prescrire un médicament stimulant.

Les dernières données disponibles sur l’abus de méthylphénidate en France sont en faveur d’une stabilisation du phénomène qui a émergé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). Elles mettent aussi en évidence sa diffusion à d’autres régions ce qui nécessite de relayer cette information au plus grand nombre et doit inciter de la part des professionnels de santé, à la plus grande prudence dans l’utilisation de ce produit et au repérage précoce de son détournement.

Dr ANGERVILLE Bernard

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