Le sevrage tabagique soumet en effet à de nombreux phénomènes désagréables physiques et psychologiques pouvant compromettre les chances de réussite. A ces éléments s’ajoute aussi le stress environnemental, avec une notion souvent peu étudiée dans le domaine : la discrimination quotidienne. La discrimination c’est le fait de distinguer et de traiter différemment, le plus souvent de façon injuste une personne ou un groupe du fait de caractéristiques particulières, comme l’ethnie ou l’orientation sexuelle par exemple.
Dans cette étude, 146 adultes fumeurs ont été recrutés au Texas de 2011 à 2013. L’hypothèse testée était que les actes de discrimination quotidienne pourraient rendre l’arrêt du tabac plus difficile, via la diminution du sentiment d’efficacité personnelle, prédicteur important de réussite, et pourraient conduire à un risque majoré de reprise d’usage de tabac après un sevrage.
Une date d’arrêt de tabac a été définie, puis un questionnaire portant sur le vécu de discrimination quotidienne a été délivré et rempli avant l’arrêt. Il s’agissait de décrire des évènements jugés discriminants vécus dans la journée, comme être traité avec moins de courtoisie ou moins de respect. Un jour après le début du sevrage tabagique, les volontaires ont été interrogés sur leur sentiment d’efficacité personnelle, en autoévaluant leur capacité de résistance à des situations à haut risque de consommation. Ils ont ensuite été suivis pendant quatre semaines après la date de sevrage. Pour évaluer l’évolution de la consommation tabagique, des évaluations ont eu lieu toutes les semaines avec des mesures de monoxyde de carbone.
Les résultats montrent une tendance à la baisse d’efficacité personnelle perçue pour des situations de discrimination rapportées, de façon quotidienne, avec des chances abaissées de parvenir à un arrêt du tabac. On note notamment une réduction de la confiance en soi et moins de facilité à maintenir des comportements bénéfiques pour la santé dans les situations à risque.
Il faut cependant interpréter les résultats de cette étude avec prudence, car si on peut émettre l’hypothèse d’un lien entre discrimination perçue et maintien de l’arrêt du tabac, la nature causale de ce lien reste à déterminer. On pourrait notamment supposer que les personnes se sentant plus facilement stigmatisées sont celles qui ont le plus de difficultés à arrêter le tabac, en raison de problématiques sociales ou psychologiques, mais que le lien direct entre stigmatisation et échec de l’arrêt n’est pas en jeu.
Julia DE TERNAY, Interne en psychiatrie à Lyon
Benjamin ROLLAND, Service Universitaire d’Addictologie de Lyon