Le marketing du tabac dans les bars prédit l'utilisation ultérieure du tabac chez les étudiants qui n'avaient jamais fumé

Une étude parue dans la revue tobacco control du British Medecine Journal

Tabac

Image par klimkin de Pixabay

Depuis la mise en application de la Loi sur le tabac « Tobacco Act », en 1997, le marketing des produits du tabac a été considérablement restreint au Canada (1).

L’année suivante, le « Tobacco Master Settlement Agreement » a été conclu en novembre 1998 entre les quatre plus grandes compagnies de tabac des États-Unis (Philip Morris, RJ Reynolds, Brown & Williamson, et Lorillard) et les procureurs généraux de 46 États (2). Les États ont réglé leurs litiges Medicaid contre l’industrie du tabac pour recouvrer leurs coûts de soins de santé liés au tabac. En contrepartie, la vente de tabac est devenue interdite aux mineurs de moins de 18 ans, et les compagnies tabagières ont alors ciblé les jeunes adultes. Des documents internes de l’industrie ont révélé « l’importance du marketing envers ces jeunes qui vont entrer à l’université, dans l’armée ou dans le monde du travail, où le stress et la pression vont les pousser à consommer des produits du tabac ».ainsi, l’industrie du tabac a mis en place des stratégies de marketing pour les atteindre, des ventes promotionnelles, des partenariats et des parrainages dans les lieux qu’ils fréquentent, c’est-à-dire les bars et les boîtes de nuit (3). Ainsi, en associant leurs marques et les produits du tabac aux lieux populaires que les étudiants fréquentent, l’industrie du tabac installe sa crédibilité et sa pertinence auprès des jeunes adultes (4). En août 2016 (5), la Food and Drug Administration (FDA) a interdit la distribution d’échantillons gratuits, à l’exception de tabac sans fumée (comme le snus). Pour attirer les jeunes adultes, l’industrie du tabac a eu recours à la promotion d’évènements sportifs, culturels et musicaux, ainsi qu’à la distribution de produits dérivés, comme des tee-shirts ou des casquettes personnalisées.

Dans une étude américaine (Austin, Texas), les chercheurs ont émis l’hypothèse que les effets du marketing du tabac seraient plus importants (en termes de consommation) parmi ceux qui utilisaient déjà un ou plusieurs produits du tabac que parmi ceux qui n’avaient jamais fumé.

Cette étude examine les relations entre l’exposition au marketing du tabac dans les bars/boîtes de nuit et le nombre de produits du tabac (cigarettes, cigares, chicha, cigarettes électroniques) utilisés 6 mois plus tard parmi des étudiants (universités).

1 406 étudiants âgés de 18 à 29 ans qui déclaraient fréquenter des bars/boîtes de nuit (âge moyen : 21,95 ans ; 67% filles) ont complété en ligne un questionnaire fin 2014/début 2015 (T1) et une deuxième fois 6 mois plus tard (T2). A l’aide de modèles de régression de Poisson,  les relations entre l’exposition à 3 type de marketing dans des bars/boîtes de nuit à T1 (publicité pour le tabac/nicotine ; échantillons gratuits ; représentants de l’industrie du tabac) et le nombre de produits du tabac utilisés (de 0 à 5) à T2, en contrôlant le nombre d’années passée à l’université (2 ans vs 4 ans), l’âge, le sexe, l’appartenance ethnique et la régularité de fréquentation des bars/boîtes de nuit.

Une plus grande exposition à des échantillons gratuits et à des représentants de l’industrie du tabac dans les bars/boîtes de nuit prédit l’utilisation d’un plus grand nombre de produits du tabac 6 mois plus tard, mais uniquement parmi les non-fumeurs de tabac (lors du début de l’enquête) mais pas parmi ceux qui consommaient déjà des produits du tabac.

Par contre, l’exposition à des publicités  dans les bars/nightclubs ne prédit pas l’utilisation d’un plus grand nombre de produits du tabac 6 mois plus tard.

En conclusion, les compagnies tabagières prétendent que le marketing cible ceux qui utilisent déjà les produits du tabac, mais pas ceux qui n’ont jamais fumé ces produits. Cette étude montre, bien au contraire, que le marketing du tabac dans les bars et les boîtes de nuit peut encourager l’usage parmi les non-fumeurs et n’a aucune influence sur les fumeurs actuels.

Rappelons l’existence de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), qui a été signée par le Canada en 2003, mais toujours pas à ce jour par les USA. Son article 16 décrit les mesures devant être prises par les Parties pour interdire la vente de produits du tabac aux et par les personnes qui n’ont pas atteint l’âge prévu en droit interne ou fixé par la législation nationale, ou l’âge de 18 ans, ainsi que d’autres mesures limitant l’accès des produits du tabac aux mineurs. Elles incluent notamment l’interdiction de la vente de produits du tabac à la pièce ou par petits paquets, l’interdiction de la distribution gratuite de produits du tabac, des mesures prises pour s’assurer que les distributeurs automatiques de produits du tabac ne soient pas accessibles aux mineurs, et proposent aux Parties, si elles le souhaitent, la possibilité de proscrire totalement ces machines.

 

Références bibliographiques

1 Auger, N, Raynault, M. The Future of Tobacco Marketing in Canada. Can J Public Health 96, 278–280 (2005). https://doi.org/10.1007/BF03405163

2 Sloan FA, Mathews CA, Trogdon JG. Impacts of the master settlement agreement on the tobacco industry. Tob Control 2004;13:356–61.

3 Sepe E, Ling PM, Glantz SA. Smooth moves: bar and nightclub tobacco promotions that target young adults. Am J Public Health 2002;92:414–9.

4 Shahrir S, Wipfli H, Avila- Tang E, et al. Tobacco sales and promotion in bars, cafes and nightclubs from large cities around the world. Tob Control 2011;20:285–90.

5 U.S. Department of Health and Human Services, Food and Drug Administration. The Prohibition of distributing free samples of tobacco products, 2017.

 

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)

2 – 7ème Centre Médical des Armées (Antennes de Varces et Chambéry)

3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)

 

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