L'impact de la COVID-19 sur le stress et les comportements addictifs dans une population étudiante consommatrice d'alcool en France

Alcool

A l’heure actuelle, au moins 2 456 069 décès confirmés et plus de 110 903 820 cas d’infections par la Covid-19 sont signalés dans le monde. Sa persistance est observée avec une recrudescence des cas surtout en Europe. Les conseils techniques et les politiques publiques varient d’un pays à l’autre, mais environ un tiers de la population humaine s’est vu conseillé ou contraint de rester à domicile, sauf pour des activités essentielles, et en conséquence, près de trois milliards de personnes ont subi un confinement ; ceci dans le but de freiner les contaminations, le temps de trouver des solutions.

Si les pandémies sont avant tout un problème de santé physique, elles ont également un impact considérable sur la santé sociale et mentale. Lors d’un confinement caractérisé par l’incertitude quant à l’avenir, le fait de ne pas pouvoir mener une vie personnelle et interpersonnelle normale crée un environnement instable et menaçant. Les préoccupations de santé publique concernant les effets néfastes potentiels des confinements à long terme sur la santé mentale ont donc récemment suscité un vif intérêt.

En particulier, les problèmes liés à la consommation d’alcool sont de première importance. Des allégations scientifiques antérieures ont indiqué le risque d’une crise de santé publique importante en raison d’une consommation accrue d’alcool pendant le confinement.

Nous avons mené une enquête auprès d’une population d’étudiants qui ont indiqué qu’ils consommaient de l’alcool avant le confinement. Cette enquête a été faite tout en évaluant les caractéristiques des participants, leurs conditions de confinement et le changement de mode de vie et de soutien social qui en résultaient, leurs comportements addictifs avant le confinement, et le stress perçu lié à la peur induite par la Covid-19. Les conditions de confinement et l’exposition aux médias, les niveaux d’anxiété et de dépression pendant cette période ont intensifié les comportements addictifs pendant le confinement. Plus précisément, nous avons exploré la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis en plus du jeu, de l’utilisation d’internet et des comportements alimentaires problématiques, au cours de la première semaine de confinement et l’intention les 15 jours suivants après l’enquête.

Les étudiants ont été contactés via l’environnement de travail numérique universitaire de l’Université Clermont Auvergne (37 367 étudiants), de l’Université de Picardie (30 288 étudiants) et de Paris Nanterre (500 étudiants en psychologie). L’enquête a également été diffusée sur la page Facebook « Université Grenoble Alpes » (4 626 vues). Le nombre d’étudiants potentiellement ciblés par cette enquête était de 72 781. Tous les participants ont répondu de manière anonyme.  On a posé aux participants la question « Buvez-vous de l’alcool ? » Les participants qui ont répondu « oui » ont ensuite reçu des questions sur leur consommation d’alcool.

En ce qui concerne les comportements addictifs affichés pendant le confinement, les étudiants ont aussi signalé une alimentation plus compulsive au cours de la semaine dernière ainsi qu’une plus grande intention de le faire dans les 15 prochains jours et plus d’intention de jouer aux jeux en ligne dans les 15 jours suivants. Le but de cette étude était d’évaluer le stress perçu lié à la pandémie de Covid-19 et au confinement dans un échantillon d’étudiants universitaires buvant de l’alcool en évaluant les comportements addictifs liés au stress perçu avant et pendant le confinement.

Nos résultats ont montré que les étudiants étaient particulièrement stressés pendant cette période : plus de 79% ont indiqué avoir eu des difficultés à gérer le stress. Le niveau de stress était fortement lié à quatre catégories de variables : les caractéristiques intrinsèques, les comportements addictifs avant le confinement, les conditions spécifiques et les comportements addictifs pendant le confinement.  Le niveau de stress perçu dans cette population est plus élevé que ce qui a été rapporté dans d’autres études menées dans le même groupe d’âge, ce qui souligne davantage l’impact du contexte pandémique sur la santé mentale.

Une précédente étude menée entre 2009 et 2011 sur une population de 1 876 étudiants en France a révélé que 25% des étudiants avaient un niveau de stress modéré ou élevé. Il est frappant de constater que 75% de notre population présentait un niveau de stress perçu modéré ou élevé. Nos résultats sont cohérents avec d’autres études qui ont collecté des données sur une période similaire, mais dans d’autres pays du monde et sur des populations non étudiantes. Dans ces études, les femmes ont signalé un niveau de stress plus élevé que les hommes, ce qui souligne le fait qu’elles courent un risque accru de psychopathologie et de comportement d’adaptation inadapté. Elles ont déclaré être souvent plus sensibles au stress et aux affections négatives que les hommes mais sont moins susceptibles d’utiliser des substances psychoactives pour faire face au stress. D’un autre côté, les femmes peuvent être plus sensibles à une réduction du soutien social lorsque les normes sociales changent considérablement. Des recherches antérieures ont suggéré que la réduction de la tension associée au stress est un facteur de motivation pour la consommation d’alcool et que cette relation peut différer selon le sexe.  Dans les conditions stressantes de la pandémie, les femmes peuvent être en mesure de mieux répondre au stress via une augmentation pathologique de l’apport alimentaire tandis que les hommes répondent par une consommation accrue d’alcool. 

Le soutien social semble être un facteur majeur de résistance au stress. Nous avons observé que les étudiants ayant un niveau de soutien social plus élevé éprouvent des niveaux de stress inférieurs. Ceci est cohérent avec une étude récente montrant que la qualité du soutien social hors ligne, constitue un facteur de protection contre le développement d’une implication excessive d’internet et des réseaux sociaux. Le stress dépend donc également de la disponibilité d’un soutien social et de l’efficacité des stratégies d’adaptation. Par conséquent, le soutien social semble être un facteur de protection plausible pendant le confinement.

Au cours de la première semaine de confinement, les niveaux de stress n’étaient pas liés au niveau de précarité financière des étudiants ; le fait qu’un étudiant ait ou non une bourse pour des besoins financiers n’avait aucun effet sur le stress perçu. Cela peut paraître surprenant puisque de nombreuses études ont montré que le rang social détermine le taux d’exposition aux facteurs de stress. Cependant, il est probable que ce type d’effet sur le stress puisse se produire avec une situation stressante plus prolongée, et peut s’expliquer par le fait que cette étude a été menée au cours de la première semaine de confinement.

En définitive, ces différentes études semblent toucher du doigt l’importance d’un soutien social, de la gestion des difficultés liées au stress et de la création d’un environnement plus prévisible pour les étudiants.

  • Le soutien social : généralement, on gère mieux les défis et les situations d’inconfort lorsqu’on se sent soutenu et en présence des gens de confiance (famille directe, amis proches, etc.). Il est donc important, surtout en période de confinement, d’être en présence de sa famille et de personnes avec lesquelles on peut se confier, des personnes avec qui on partage des centres d’intérêts communs et avec qui on s’entend bien, le tout dans le respect des mesures barrières dans ce cas précis.
  • La gestion des difficultés liées au stress : le confinement génère du stress à cause des incertitudes sur l’avenir. Il est important que les étudiants puissent avoir accès à des professionnels de santé pour les aider à gérer ce stress. Pour cela, la plateforme https://santepsy.etudiant.gouv.fr/ permettant aux étudiants d’avoir un accès gratuit à des psychologues est un premier pas.
  • La création d’un environnement plus prévisible pour les étudiants : malgré le besoin des universités de se réinventer en vue des mesures de confinement, il est important que les étudiants aient rapidement des informations sur les conditions d’enseignement. Depuis la première semaine de confinement de mars 2020, les universités se sont beaucoup adaptées à ce sujet, mais doivent probablement encore améliorer les procédures d’enseignement à distance qui ont dû être mises en place dans un temps extrêmement contraint.

 

D’après Flaudias, V., Zerhouni, O, Pereira, B., Cherpitel, C.J., Boudesseul,,J., de Chazeron, I., Romo, L., Guillaume, S, Samalin,L., Cabé, J., Bègue, L., Gerbaud, L., Rolland, B., Llorca, P.M., Naassila, M., & Brousse, G., (2021).   The Early Impact of the COVID-19 Lockdown on Stress and Addictive Behaviours in an Alcohol-Consuming Student Population in France. Frontiers in Psychiatry, 12, 73

Valentin Flaudias