L’intérêt de l’industrie pour la recherche dans le jeu d’argent pathologique : quels enseignements tirer des autres types de consommations de substances ?

L’industrie du jeu joue un rôle croissant dans les messages de santé publique sur le jeu et dans la recherche sur l’addiction aux jeux de hasard et d’argent (=jeu d’argent pathologique), alors même que ces industriels ont un lien d’intérêt vis à vis de cette problématique

Jeux d’argent et de hasard

 

L’industrie du jeu joue un rôle croissant dans les messages de santé publique sur le jeu et dans la recherche sur l’addiction aux jeux de hasard et d’argent (=jeu d’argent pathologique), alors même que ces industriels ont un lien d’intérêt vis à vis de cette problématique (i.e., contradiction entre des intérêts financiers et des intérêts de santé publique).

Dans cet article, Colishaw & Thomas mettent en évidence que les stratégies utilisées par l’industrie du jeu pour minimiser les risques associés aux jeu, pour orienter les politiques de santé publique et pour influencer la recherche dans le domaine sont finalement assez similaires aux stratégies développées précédemment par les industriels du tabac et de l’alcool.

Dans le domaine de l’alcool et du tabac, il a été bien démontré que ces industriels utilis(ai)ent  la recherche pour semer le doute et détourner l’attention quant aux dommages réels dont sont responsables ces substances. Les enjeux financiers sont en effet majeurs : jusqu’à 60% des revenus de l’industrie du jeu sont issus de jeu chez des joueurs excessifs ou pathologiques, alors même que ces joueurs ne représentent que 1 à 3% de la population générale. De la même manière que pour l’alcool (près de 40% des consommations d’alcool sont le fait de personnes ayant un trouble de l’usage de l’alcool), ces résultats sont contraires à l’idée qui voudrait que les revenus du jeu soient répartis de manière homogène au sein de l’ensemble de la population générale.

Un point particulièrement intéressant de cet article est, au delà des rappels historiques dans le champ du tabac et de l’alcool, de détailler les tactiques et stratégies utilisées par les industriels pour minimiser les risques et pervertir les messages de santé publique : lobbying visant à modifier les projets législatifs, implication dans des fondations ou des organisations tierces (third party organisations labelled as « social aspects / public organisations », voire de « think thank », financement orienté d’une recherche (dont l’objectif est d’identifier une sous-population minoritaire plutot que de focaliser le problème sur la population générale ; qui oriente les recherches sur les facteurs de risque individuels de l’addiction plutôt que les caractéristiques du jeu et de l’environnement social).

 

En pratique, et sans tomber dans la paranoïa, il semble important de ne pas être naïf vis-à-vis de ces pratiques, qui peuvent en fait concerner toutes les substances et comportements potentiellement associés à un trouble addictif. Lorsque vous lirez votre prochain article scientifique, pensez notamment à jeter un coup d’œil systématique aux liens d’intérêts et aux financements ayant permis le financement d’une recherche donnée afin d’en interpréter au mieux les résultats des travaux scientifiques !

Par Paul Brunault

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