Modèle animal du trouble de l’usage d’alcool, et les abeilles ?

L’aversion gustative apprise (ou effet Garcia) est une forme hautement spécialisée de conditionnement que l'on trouve dans tous les taxons et qui permet d'éviter un stimulus initialement neutre, comme le goût ou l'odeur, lorsqu’il est associé à un état de santé préjudiciable, mais sans en être la cause.

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L’aversion gustative apprise (ou effet Garcia) est une forme hautement spécialisée de conditionnement que l’on trouve dans tous les taxons et qui permet d’éviter un stimulus initialement neutre, comme le goût ou l’odeur, lorsqu’il est associé à un état de santé préjudiciable, mais sans en être la cause. On peut citer l’exemple de rats qui apprendraient à éviter tout aliment qui aurait la même odeur que d’éventuels appâts empoisonnés. Dans l’expérience princeps de Garcia, il s’agissait de traiter des carcasses de mouton par un vomitif puissant pour apprendre aux coyotes de la région à ne plus attaquer les moutons des troupeaux. Cette étude examine si les abeilles mellifères (Apis mellifera L.) sont capables de développer  une aversion gustative apprise induite par l’éthanol (EtOH).

Les abeilles retenues ont d’abord reçu une solution de saccharose parfumée à la cannelle, à la lavande ou inodore et contenant 0 / 2,5 / 5 / 10 / ou 20 % d’éthanol. Puis, 30 minutes plus tard, les auteurs ont utilisé une procédure de conditionnement par extension de proboscis (le proboscis est cette espèce de trompe visible sur l’image qui illustre le billet, et qui permet à l’abeille de collecter le nectar). Lors de ce conditionnement, les abeilles ont appris à associer soit une odeur de cannelle, soit une odeur de lavande, soit une boufée d’air inodore avec des prises répétées de saccharose. Pour certaines abeilles, l’odeur de la solution d’éthanol consommée initialement était la même que l’odeur associée au saccharose dans la procédure de conditionnement. Si les abeilles sont capables d’apprendre l’aversion gustative induite par l’éthanol, il serait attendu qu’elles montrent une faible réponse immédiate (allongement du proboscis) aux odeurs précédemment associées à l’éthanol.

Les auteurs ont constaté que les abeilles n’ont pas développé d’aversion gustative apprise induite par l’éthanol malgré les effets inhibiteurs et aversifs importants que l’éthanol a sur le comportement des abeilles. Au lieu de cela, les abeilles exposée à une odeur de conditionnement qui était auparavant associée à l’éthanol ont montré un niveau élevé de réponse immédiate. Bien que cela démontre que les abeilles sont capables d’apprentissage induit par l’éthanol en un seul essai, ce niveau élevé de réponse est l’opposé de ce qui se produirait si les abeilles développaient une aversion gustative induite par l’alcool. Les auteurs ont par ailleurs constaté que la consommation d’extrait de cannelle réduisait les effets de l’éthanol chez les abeilles.

L’absence d’aversion apprise par les abeilles induite par l’éthanol reflète ce que l’on observe dans la consommation d’alcool chez l’humain : une consommation en dépit des effets inhibiteurs et potentiellement aversifs. Ces résultats suggèrent que les abeilles mellifères pourraient être utilisées comme un modèle d’insecte pour étudier la problématique du trouble de l’usage d’alcool.

 

 

Nicolas Cabé

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