Mon enfant est accro à son téléphone portable et aux jeux vidéo, comment puis-je limiter son temps d’exposition aux écrans ?

Le point avec l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC)

Autres addictions comportementales

Votre tout-petit râle déjà quand vous lui retirez la tablette ? Votre enfant passe tout son temps sur son portable ? C’est la guerre pour faire décrocher votre ado de sa partie de jeu vidéo en ligne au moment des repas ? Vous vous inquiétez par rapport à la quantité de lumière bleue émise par tous ces écrans, et leurs possibles conséquences sur son sommeil et ses résultats scolaires ? Nos confrères de l’IFAC vous donnent quelques clés pour mieux comprendre la dépendance aux écrans et comment la limiter.

Les chiffres actuels

Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, en 2021 (https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-barometre-numerique-edition-2021.pdf ), 84% des personnes âgées de douze ans et plus utilisent un téléphone portable. L’acquisition du premier téléphone portable est de plus en plus précoce : 41% des filles contre 30% des garçons de moins de 25 ans ont eu leur premier téléphone mobile avant 12 ans.  Une enquête récente de Santé publique France indique même que les enfants de 2 ans passent en moyenne 1h par jour devant les écrans (https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/6/2023_6_1.html ). Un usage excessif des écrans peut s’installer à tout âge, très rapidement. Tout est en effet pensé pour capter l’attention de la personne qui regarde l’écran : couleurs, images, notifications, sons… Comme pour une drogue, l’utilisation des écrans active la dopamine dans le cerveau, cette substance chimique qui joue un rôle phare dans la motivation des comportements et qui agit comme une ‘récompense’, nous poussant à répéter le même comportement encore et encore.

Enfants et écrans : quelles sont les recommandations actuelles des autorités de santé ?

Face à ces chiffres inquiétants, des recommandations ont été faites sur le risque encouru par les plus jeunes : fatigue oculaire, douleurs dorsales et cervicales, troubles du sommeil, troubles du développement du langage, capacités d’attention et de concentration altérées, gestion difficile de la frustration, isolement social… Sans compter que la pratique excessive des écrans est également un facteur aggravant d’anxiété et de dépression, emprisonnant les personnes dépendantes dans un cercle vicieux. 

En France, les recommandations de référence proviennent du Haut Conseil de la santé publique, pour lequel, « avant l’âge de 3 ans, les écrans sont à proscrire si les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies« . Il y a en effet une différence notable entre le fait de laisser son enfant jouer seul sur son téléphone ou regarder des vidéos sans aucune pause, et celui de rester à côté de lui, commenter ensemble ce qui est visionné etc. De son côté, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommandait en 2019 de ne pas « placer l’enfant devant un écran«  avant ses 2 ans et de limiter la pratique à une heure par jour maximum entre 3 et 5 ans. Quant aux réseaux sociaux, ils sont officiellement autorisés en France seulement à partir de 13 ans.

Le pédopsychiatre Serge Tisseron a proposé la règle des 3-6-9-12 (https://www.3-6-9-12.org/les-balises-3-6-9-12/ ): pas d’écran avant 3 ans, pas de console ni de jeux vidéo avant 6 ans, pas d’Internet avant 9 ans, Internet seul uniquement à partir de 12 ans. Il existe également la méthode des « 4 pas » recommandée par Sabine Duflo (Collectif COSE Surexposition écrans) : pas d’écran le matin, pas d’écran durant les repas, pas d’écran avant de s’endormir et pas d’écran dans la chambre de l’enfant.

Quels sont les signes possibles d’une addiction aux écrans chez votre enfant ?

Quand on pense « addiction aux écrans », on pense en premier lieu aux jeux vidéo. L’OMS a d’ailleurs reconnu le trouble du jeu vidéo comme une addiction en 2018. L’addiction au téléphone, bien qu’elle ne soit pas reconnue comme un trouble à part entière, porte un nom : on parle de « nomophobie » (No Mobile Phobia).

Mais il n’est pas toujours question d’addiction et il ne faut pas confondre un intérêt fort mais passager, lié à la nouveauté de la découverte, avec un véritable trouble. En effet, les adolescents par exemple peuvent parfois développer ce genre d’intérêt excessif temporairement, puis s’en désintéresser quelques mois plus tard, une fois que l’excitation du nouveau jeu vidéo est un peu retombée. Cependant, voici quelques critères qui peuvent vous alerter sur un usage excessif :

  • Votre enfant utilise les écrans pour atténuer ses sentiments négatifs
  • Votre enfant passe tellement de temps devant les écrans qu’il ne fait plus rien d’autre (il ne fait plus de sport, ne voit plus ses amis, a abandonné ses autres loisirs…)
  • Votre enfant montre de la colère ou de l’agitation quand les écrans lui sont retirés
  • Votre enfant est totalement incapable de réduire le temps passé sur son écran, malgré ses efforts et votre aide

Les solutions

Voici quelques conseils pour vous aider à limiter l’usage des écrans par votre enfant :

  • Expliquer à votre enfant les conséquences négatives que peuvent avoir les écrans sur sa vie quotidienne et future, et le sensibiliser à l’addiction aux écrans, dans le but de le responsabiliser.
  • L’aider à désactiver ses notifications, le pousser à utiliser une montre plutôt que de regarder l’heure sur son téléphone
  • L’alerter du temps qu’il lui reste avant la privation : « Il te reste un quart d’heure ! »
  • L’aider à patienter autrement : plutôt que de scroller sans but, lire un livre ou écouter de la musique…
  • Passer du temps de qualité en famille, en ayant une activité tous ensemble pendant le week-end (sortie cinéma, musée, cuisine, balade…), où l’usage du téléphone n’est pas requis
  • Montrer l’exemple en réduisant vous-même votre propre temps d’écran
  • Fixer des limites de temps (et des plages horaires) pour l’utilisation des écrans, et installer un contrôle parental s’il le faut. Privilégiez le choix d’un temps d’écran réaliste dès la mise en place du contrôle parental. Soyez souple quand il s’agit des vacances, mais ferme en temps scolaire : attention à ne pas débloquer systématiquement du temps d’écran à votre enfant malgré ses demandes insistantes, mais s’en tenir à ce qui a été dit. Être souple signifie également de reconnaître les efforts faits par son enfant, même si le but initial n’a pas encore été atteint
  • Il est aussi très important de chercher ensemble les causes profondes amenant à un usage excessif des écrans par votre enfant : solitude, ennui, mal-être, faible estime de soi, difficultés relationnelles à la maison ou à l’école, sentiment d’échec…

Le grand principe d’éducation que vous pouvez mettre en place pour limiter l’usage des écrans est en fait applicable à tout domaine de la vie de votre enfant : communiquer avec lui et essayer de comprendre ses usages, plutôt que d’imposer vous-mêmes des règles trop strictes et non tenables. Par exemple, avant de demander à son enfant de quitter son jeu pour venir à table, passez du temps avec lui pour comprendre comment fonctionne son jeu, s’il est « obligé » de rester pendant la partie car il joue en équipe et ne veut pas laisser tomber sa « guilde » … Sans pour autant accepter ses conditions, vos demandes pourraient être davantage respectées si vous avez montré de l’intérêt pour sa passion du moment.

Si, malgré tout, la situation persiste, si les difficultés émotionnelles de votre enfant sont très ancrées, complexes… bref, si la situation vous dépasse, n’hésitez pas à vous faire aider par un professionnel ou à consulter votre médecin ! Des thérapies peuvent être mises en place pour votre enfant, et plus largement pour votre famille, afin de vous aider à retrouver une harmonie familiale où les écrans ne constituent plus un barrage entre vous.

Pour en savoir plus :

Retrouvez le guide pratique « Mon enfant est accro à son téléphone portable et aux jeux vidéo, comment puis-je limiter son temps d’exposition aux écrans ? » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.