Pourquoi les narcissiques prennent-ils plus de risque, ou comment relire le mythe de Narcisse à l’aide des neurosciences affectives ?

            Il est bien démontré que les individus narcissiques ont plus de risque de développer des addictions, mais nous ne savons pas pourquoi. Ceci est notamment vrai pour l’addiction aux jeux de hasard et d’argent (aussi appelée jeu d’argent pathologique).

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Le narcissisme (concept issu du fameux mythe de Narcisse), peut se définir comme  “l’amour de soi”. Par extension, on peut considérer qu’un individu est “narcissique” lorsque son estime de soi est excessive, c’est-à-dire qu’il se perçoit de manière bien plus favorable que la réalité.

Il est bien démontré que les individus narcissiques ont plus de risque de développer des addictions (notamment à Facebook; https://www.addictaide.fr/pourquoi-les-narcissiques-risquent-plus-de-developper-une-addiction-a-facebook-anglais/), mais nous ne savons pas pourquoi. Ceci est notamment vrai pour l’addiction aux jeux de hasard et d’argent (aussi appelée jeu d’argent pathologique).

 

Dans ce papier, les auteurs se sont basés sur une approche neuroscientifique pour éclairer cette question. Pourquoi les narcissiques prennent-ils plus de risque que les autres ? Voici ici une réponse issue des neurosciences affectives.

Deux mécanismes expliquent classiquement le lien entre narcissisme élevé et prise de risque : (1) les narcissiques auraient plus de difficultés à percevoir leurs erreurs, et (2) les narcissiques pourraient bien percevoir leurs erreurs, mais auraient plus de difficultés à en tirer des leçons pour modifier leur comportement futur.

 

Pour tester ces hypothèses, ces chercheurs chinois et anglais ont exposés des personnes avec un narcissisme élevé vs. faible à un exercice de prise de risque (jouer à un jeu de hasard et d’argent). Ils ont ensuite mesuré et comparer ces personnes avec des mesures comportementales et neurophysiologiques (électroencéphalogramme avec potentiels évoqués). Ceci permettait d’évaluer la difficulté à percevoir ses erreurs (Feedback-related negativity) et la difficulté à modifier son comportement en fonction des conséquences de ses actions (onde P3).

 

Ce travail a confirmé que les personnes ayant un narcissisme élevé prenaient plus de risque que les autres, et ce, dans les situations à risque (ex. situation dans laquelle on risque de perdre ou de gagner beaucoup d’argent). Là où ce travail devient intéressant, c’est que cette prise de risque semble plus sous-tendue par des difficultés à apprendre de ses erreurs que d’une difficulté à les percevoir. En effet, dans une tâche impliquant une prise de risque élevée, il n’y avait pas de différence neurophysiologique entre les deux groupes en termes de feedback-related negativity. En revanche, l’onde P3 était dans ce cas significativement plus faible chez les personnes ayant un narcissisme élevé. Ceci peut être interprété comme une plus grande difficulté à pouvoir actualiser et modifier son comportement en fonction ses erreurs.

En résumé, ce travail démontre qu’un excès de narcissisme expose à une plus grande difficulté à s’adapter à notre environnement, et que ceci confèrerait une vulnérabilité accrue aux prises de risque, et potentiellement également aux addictions. Ëtre trop narcissique, cela peut probablement nous protéger à court et moyen terme sur le plan psychique, mais cela nous expose aussi à une incapacité à pouvoir nous adapter à chaque fois à des situations toujours plus complexes et singulières.

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