ADDICTIONS / «Nous sommes tous proches de quelqu’un qui a un problème »

Nouveau directeur d’Addiction Suisse, Grégoire Vittoz dénonce l’immobilisme du Parlement en matière de lutte contre les dépendances. L’impératif, dit-il, est de rétablir l’équilibre entre liberté et solidarité et de mener des campagnes de prévention ciblées sans stigmatiser.

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Quel constat dressez-vous quant à l’état des Suisses et de leurs addictions?

La Suisse n’est pas très différente de ses voisins européens. Aujourd’hui, 250 000 personnes sont dépendantes à l’alcool, 100 000 enfants vivent avec ces dernières, quelque 9500 décèdent précocement chaque année des causes du tabagisme et 75 000 ont un problème avec le jeu. Ce que nous constatons, c’est que nous sommes tous à un degré divers proches de quelqu’un qui a un problème d’addiction.

Les populations à risque sont-elles toujours les mêmes ou leur visage a-t-il évolué?

Même si les pratiques ont quelque peu évolué, le visage des populations à risque ne s’est guère modifié.

Chez les jeunes, la consommation d’alcool continue de baisser chez les écoliers, ce qui est une bonne nouvelle. En revanche on constate que, s’ils commencent à boire plus tard, ils se rattrapent parfois par la suite.

Ces derniers font donc toujours partie de populations vulnérables, tant au niveau physiologique que psychologique, car plus vous êtes confronté à une addiction au début de votre vie, plus les dégâts sont graves. A l’autre bout de la chaîne, il est vrai que l’on a vu apparaître ces dernières années une nouvelle population touchée par les addictions: les personnes âgées dont la consommation de benzodiazépines est particulièrement élevée. Aux Etats-Unis, 30 000 personnes décèdent chaque année d’overdose et une grande partie a commencé par consommer des antalgiques opioïdes prescrits par le médecin. Cela doit nous pousser à investiguer en Suisse.

Au fond, si l’on a plus de 25 ans et moins de 65 ans et que l’on a échappé à l’alcoolisme et au tabagisme, on ne fait pas partie des populations à risque?

Bien au contraire.

Chacun peut se retrouver dans une situation de vulnérabilité à un moment ou à un autre de sa vie: un deuil, une période de chômage, une maladie ou un divorce peuvent tout faire basculer.

D’où l’importance d’une réelle solidarité de la part de la société, car la qualité et la performance de cette dernière ne se mesurent pas seulement au chiffre d’affaires des industries du tabac, de l’alcool ou du jeu, mais aussi à sa capacité à prendre soin des personnes en situation de vulnérabilité.

Voir la suite de l’interview sur le site migrosmagazine

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