DROGUES / Dans tous les métiers "on se dope pour tenir"

Pour, Marie Pezé, experte de la souffrance au travail, on n'a jamais eu autant d'épisodes de stress aigu. Elle décrit une situation catastrophique.

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« Hyperconnectivité, hyperdisponibilité et hypersollicitation cognitive »: dans tous les métiers, « on se dope pour tenir », dit Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste et pionnière du traitement de la « souffrance au travail », interrogée par l’AFP en marge d’un congrès sur le sujet à Montrouge (Hauts-de-Seine).

Établissez-vous un lien entre les conditions de travail et la consommation de substances licites et illicites?

On est au 4e rang mondial en terme de productivité horaire en France (OCDE) et on est les premiers consommateurs de psychotropes, alors le lien m’apparaît évident. Il n’existe pas d’études statistiques précises sur ce lien mais tous les médecins généralistes vous diront qu’ils prescrivent des traitements psychotropes aux gens pour tenir au travail.

Avec la frénésie qui s’est emparée des organisations du travail, tout le monde se dope pour tenir, dans tous les métiers. Comment faire autrement dans un monde du travail où la porosité entre la vie privée et la vie professionnelle est devenue totale, où vous travaillez de chez vous, où il faut répondre aux mails la nuit, où il y a une hyperdisponibilité, une hyperconnectivité avec une hypersollicitation cognitive? On voit bien que les demandes de l’organisation du travail s’inscrivent dans un déni complet de la vulnérabilité du corps humain. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les outils fabriqués par l’homme le kidnappent en retour.

De quelles substances s’agit-il?

Il y a du dopage médicalisé et du dopage moins suivi, moins contrôlé. L’alcool a augmenté chez les jeunes, à côté de tous les produits légaux, antidépresseurs, anxiolytiques, boissons énergisantes mais aussi amphétamines pour se booster. Il y a des consommations spécifiques en fonction de la tribu à laquelle vous appartenez; dans certaines c’est le petit verre de vin blanc au café, dans d’autres les « after hours ». Chez les traders c’est la cocaïne, les amphétamines chez les artistes, le cannabis beaucoup pour redescendre, notamment chez les jeunes.