Il y a quelques années à peine, la plupart des recommandations internationales estimaient que la méthadone était plus sûre que la buprénorphine chez la femme enceinte. Ces avis résultaient essentiellement du manque de recul sur l’utilisation de la buprénorphine haut dosage pendant la grossesse. Depuis une dizaine d’années, des données se sont accumulées et toutes allaient en sens inverse des recommandations existantes. Ce mois-ci dans Addiction, une méta-analyse vient synthétiser toutes ces données. Les auteurs sont issus d’un groupe privé Américain nommé Venebio. A noter que ce travail a été en partie financé par Indivior.
Sans surprise, la buprénorphine présente un risque environ deux fois plus faible de prématurité, une différence de poids de naissance moyen d’environ 300g, et un périmètre crânien à la naissance plus important de 1 cm environ. En revanche, contrairement à ce qui était retrouvé dans certaines études, cette méta-analyse n’a pas mis en évidence de différence sur le risque de mort in utero. Dans la méta-analyse, les auteurs ont poolé les données sur buprénorphine et buprénorphine/naloxone, ce qui ne permet pas d’avoir des données spécifiques sur l’association des deux molécules (en théorie, le fœtus n’est pas censé être exposé à la naloxone).
Addiction a publié deux commentaires très techniques associés à cet article. Lesley Smith, Université d’Oxford, Royaume-Unis, rappelle les risques de biais sont souvent beaucoup plus importants dans les méta-analyses portant sur les risques que celles portant sur l’efficacité. Elle estime cependant que les biais ont bien été identifiés et discutés dans cette méta-analyse. Ce n’est pas l’avis des auteurs du second commentaire (en particulier Paola Sebastiani, Université de Boston), qui rappellent que les femmes traitées par méthadone ont souvent des caractéristiques psychosociales plus péjoratives que les femmes traitées par buprénorphine, ce qui pourrait être la cause réelle de certains résultats observés chez le nouveau-né et qui ne serait pas assez corrigé dans la présente méta-analyse. Les auteurs du commentaire estiment qu’une analyse par simulation pour corriger ce biais aurait du être réalisée. Dans leur réponse, les auteurs de la méta-analyse rapportent qu’ils ont réalisé cette analyse et que les principaux résultats ne changent pas.
En réalité, cette méta-analyse vient essentiellement consacrer un ensemble de constatations déjà relativement consensuelles. Tout paramètre égal par ailleurs, il vaut mieux initier de la buprénorphine que de la méthadone chez une femme enceinte. Toutefois, on recommande le plus souvent de ne pas réaliser de switch chez une patiente stabilisée, et ainsi de laisser la méthadone si c’est le MSO utilisé jusqu’ici. Par ailleurs, un recul plus important sera nécessaire pour confirmer ces conclusions sur la forme associée à la naloxone, même si les remontées accumulées de pharmacovigilance semblent pour l’instant aller dans ce sens.