Quel rapport entre Baudelaire et les souris ? Un modèle d’ingestion volontaire de pâte alimentaire au cannabis décrit dans Drug & Alcohol Dependence

Depuis quelques années, le cannabis est sous les feux des projecteurs partout dans le monde : tandis que certains pays ont adopté la voie de la légalisation (l’Uruguay, le Canada, certains états des États-Unis), d’autres pays y demeurent farouchement opposés.

Cannabis

Parallèlement à la question de la législation, on assiste progressivement à une diversification des modes de consommation. L’ingestion de cannabis, contenu dans des gâteaux, des huiles, ou encore des boissons est notamment un mode de consommation en plein essor. Cependant, les effets du cannabis lorsqu’il est ingéré sont peu étudiés dans les études scientifiques animales. Pour comprendre, il faut savoir que l’utilisation de cannabis dans les études humaines pose souvent des barrières éthiques et législatives, de plus, certains éléments sont difficilement maitrisés, comme la consommation passée de cannabis ou d’autres substances, ce qui occasionne des biais non négligeables. Ce sont entre autres les raisons pour lesquelles les modèles animaux revêtent une importance cruciale dans ce domaine. Or, dans les études animales, le cannabis est le plus souvent administré par injection et on sait que dans ces conditions chez les animaux (le plus souvent des rongeurs) cela occasionne du stress, ayant un impact sur les comportements étudiés. De plus, les humains n’utilisent pas cette voie d’administration pour le cannabis, ce qui rend l’extrapolation des résultats obtenus à l’Homme beaucoup plus incertaine.

L’étude présentée vise à étudier les effets du cannabis lorsqu’il est ingéré volontairement par des souris. Pour cela, les chercheurs ont proposé à des souris une pâte avec un goût savoureux (pour les souris) contenant du THC, le composant psychoactif du cannabis. Ils ont ensuite évalué plusieurs données : la motricité, la douleur, et la température du corps.  Les résultats montrent que l’ingestion de THC chez les souris provoque une baisse de la locomotion, et une baisse de la température corporelle. Outre les effets physiologiques, il a été constaté que les souris consommaient la fameuse pâte volontairement et avec facilité. Cette voie d’administration parait donc prometteuse à la fois pour réduire le stress chez les animaux étudiés, et pour avoir accès à d’autres domaines de recherche concernant les effets du cannabis. Par exemple cela pourrait permettre d’observer de façon plus réaliste les effets renforçateurs du cannabis, passant par l’activation du système de la récompense.

Pour rappel, l’utilisation alimentaire du cannabis était très courante au XIXe siècle. Baudelaire et ses contemporains consommait le cannabis sous forme d’une pâte aromatisée au miel et à la pistache, le dawamesk, qui a inspiré notamment les Paradis Artificiels. Attendons donc de voir ce que les rats vont écrire après l’ingestion de cannabis.

 

Julia de Ternay
Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

Benjamin Rolland
Service Universitaire d’Addictologie de Lyon

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