Religiosité, culpabilité, altruisme et pardon : facteurs de risque ou facteurs protecteurs de la dépendance à l'alcool ? Une étude originale d’Alcohol et alcoholism

La religion fait l'objet de recherches depuis plus de 70 ans dans l'étiologie, le maintien et le traitement de la dépendance à l'alcool. Certaines études indiquent un rôle protecteur de la religiosité dans l'étiologie et le maintien de la dépendance à l'alcool.

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La religion fait l’objet de recherches depuis plus de 70 ans dans l’étiologie, le maintien et le traitement de la dépendance à l’alcool. Certaines études indiquent un rôle protecteur de la religiosité dans l’étiologie et le maintien de la dépendance à l’alcool. Toutefois, les données concernant l’impact de la confession religieuse et des activités religieuses précoces sur développement et l’évolution de la dépendance à l’alcool ne sont pas concluantes. Récemment, une revue de littérature publiée par la section religiosité/spiritualité de l’Association allemande pour la psychiatrie, la psychothérapie et la psychosomatique (DGPPN) retrouvait que la corrélation entre le pouvoir de la foi et les effets thérapeutiques était modulée par d’autres mécanismes comme la psychologie ou la neurobiologie.

Les auteurs ont souhaité dans cette étude originale, comparer la religiosité et des traits psychologiques connexes de culpabilité, d’altruisme et de pardon entre des patients dépendants à l’alcool et des sujets sains. Ils ont souhaité évaluer si ces paramètres étaient en lien avec une éventuelle ré-hospitalisation liée à un trouble d’usage d’alcool après un sevrage hospitalier.

Cette étude en Franconie (une région principalement chrétienne protestante du sud de l’Allemagne) a utilisé six questionnaires pour évaluer la religiosité, la culpabilité, l’altruisme et le pardon chez 166 patients dépendants à l’alcool hospitalisés pendant le sevrage et a comparé les résultats à ceux de 240 témoins en bonne santé.

Par rapport aux témoins, une confession religieuse était plus fréquemment rapportée par les sujets dépendants à l’alcool  (OR = 1,72, p = 0,014) et ces derniers montraient une culpabilité plus élevée (p < 0,001). L’accessibilité à l’altruisme, évaluée de manière subjective, était plus faible chez les patients que chez les témoins (p = 0,015). Des scores plus élevés sur l’échelle des pratiques privées religieuses  étaient associées à des réadmissions liées à l’alcool plus précoces (p = 0,021) et plus fréquentes au cours du suivi (p = 0,009). Une appartenance religieuse plus importante était associée à des réadmissions liées à l’alcool plus précoces (p = 0,008) et plus fréquentes (p = 0,020). Des valeurs inférieures d’accessibilité à l’altruisme étaient associées à un moins bon pronostic (réadmissions également plus précoces et fréquentes).

Au final, cette étude semble montrer pour la première fois un risque accru de dépendance à l’alcool et un pronostic plus défavorable chez des sujets avec une confession religieuse, plus de pratiques religieuses privées, une affiliation religieuse plus importante, une culpabilité plus marquée et ayant moins d’accès à l’altruisme. D’autres recherches sont maintenant nécessaires pour analyser le rôle de la personnalité au sein du trio « dépendance à l’alcool / religiosité / personnalité » et pour développer des stratégies différenciées afin de renforcer les composantes positives de la religiosité sur la dépendance à l’alcool.

Pour compléter cette réflexion, vous pouvez aussi lire l’article de science et avenir qui expliquer que la prière active les mêmes zones cérébrales que la drogue ou le sexe.

Par Louise Carton 

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