Étudiants américains – Quelle corrélation entre troubles du comportement alimentaire et suicide ?

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Image par Ryan McGuire de Pixabay

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) présentent le taux de mortalité direct le plus élevé de toutes les maladies mentales. Parmi les comorbidités associées aux TCA, le risque suicidaire est plus élevé chez ces patients comparé à la population générale (1). Afin de prévenir au mieux le risque suicidaire et de limiter les passages à l’acte, il est important de comprendre davantage les liens entre TCA et suicide.

Une enquête annuelle « Healthy Minds » axée sur la santé mentale et les facteurs associés dans les populations d’étudiants aux États-Unis permet de récolter de nombreuses données. De manière spécifique, des chercheurs de l’Université de santé publique de Boston ont étudié le risque suicidaire dans les TCA chez les étudiants américains. La population étudiante présente un intérêt particulier pour la prévention et l’intervention précoce des TCA. En effet, dans le système classique, les étudiants ont entre 18 et 25 ans ce qui correspond à l’âge médian de l’apparition des TCA (2).

L’apparition de ces problématiques peut s’expliquer par la transition que représente l’entrée à l’université aux États-Unis, source de stress car elle  demande une adaptation importante. En outre, la pression à la réussite en lien avec le coût financier des études peut se répercuter sur les étudiants. Autant de facteurs qui fragilisent cette population.

Cette étude publiée récemment dans la revue International Journal of Eating disorders avait pour but de comprendre les relations entre le risque de suicide et les symptômes des TCA dans cette population étudiante. Les auteurs ont associé le risque suicidaire (idéation et tentatives) et trois mesures validées du niveau de gravité et des symptômes associés aux TCA (comportements de restriction et/ou de purge …).

L’enquête de « Healthy Minds » a été menée sur 77 campus et l’analyse des données de 71 712 étudiants a permis d’évaluer si certaines caractéristiques individuelles étaient associées à un risque accru. Les auteurs ont observé que les symptômes des TCA sont hautement prédictifs du taux de suicide. Les étudiants ayant des niveaux de symptômes les plus élevés avaient 11 fois plus de chances de faire une tentative de suicide par rapport aux étudiants ne présentant aucun symptôme.

Par ailleurs, les étudiants des classes marginalisées, ceux issues de milieux défavorisés, en particulier les minorités sexuelles (bisexuelles, homosexuelles) et de genre (transgenre…), sont plus exposés au risque de suicide et de troubles alimentaires. Les résultats montrent que les femmes et les transgenres (par rapport aux hommes) ; et les bisexuels, homosexuels et autres orientations sexuelles (par rapport aux hétérosexuels) sont 4 à 8 fois plus susceptibles d’avoir un dépistage positif de troubles alimentaires et de faire une tentative de suicide.

Les auteurs ont observé que les symptômes des TCA sont hautement prédictifs du taux de suicide. 

Les implications de cette étude sont importantes pour la prévention et l’intervention précoce. Face à l’augmentation des taux de suicide des étudiants, les universités doivent trouver des pistes d’actions. Les TCA devraient faire partie des efforts de prévention du suicide sur les campus. En effet, les étudiants qui présentent un TCA sont probablement plus fragiles que les autres. Ils présentent souvent des difficultés dans la gestion des émotions. Or, une mauvaise gestion des émotions peut expliquer en partie les comportements suicidaires. Parmi les troubles des comportements alimentaires, on trouve également la boulimie. Les personnes boulimiques présentent souvent des comportements impulsifs et imprévisibles (caractéristique de la crise). Cette impulsivité peut également être mise en lien avec le risque suicidaire associé au TCA.

Léa Bessière et Valentin Flaudias

Texte de référence :

Lipson, S. K., & Sonneville, K. R. (2019). Understanding suicide risk and eating disorders in college student populations: Results from a National Study. International Journal of Eating Disorders. doi:10.1002/eat.23188

(1) Udo, T., & Grilo, C. (2018). Prevalence and correlates of DSM-5–defined eating disorders in a nationally representative sample of U. S. Adults. Biological Psychiatry, 84(5), 345–354. https://doi.org/10.1016/j. biopsych.2018.03.014

(2) Favaro, A., & Santonastaso, P. (1997). Suicidality in eating disorders: Clinical and psychological correlates. Acta Psychiatrica Scandinavica, 95(6), 508–514. https://doi.org/10.1111/j.1600-0447.1997.tb10139.x

(3) Schwartz, A. (2006). College student suicide in the United States: 1990–1991 through 2003–2004. Journal of American College Health, 54(6), 341–352.

 

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