Risques de conversion en schizophrénie ou bipolarité après une psychose induite par des substances : un article épidémiologique sur les bases de données danoises.

Les soignants du champ de la psychiatrie rencontrent souvent des situations de jeunes patients présentant un épisode psychotique transitoire après une consommation de substances psychoactives, en particulier de cannabis.

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Les soignants du champ de la psychiatrie rencontrent souvent des situations de jeunes patients présentant un épisode psychotique transitoire après une consommation de substances psychoactives, en particulier de cannabis. Une durée relativement courte des troubles permet souvent d’exclure un diagnostic immédiat de trouble mental chronique comme la schizophrénie (dont la durée des troubles doit évoluer depuis au moins 6 mois), ou même de trouble schizophréniforme (souvent encore appelé en France « bouffée délirante aiguë ») dont la durée doit être comprise entre 1 et 6 mois. Ces épisodes psychotiques induits par des substances sont-ils anodins ? Quels sont les risques de développer à terme une schizophrénie ou un autre trouble mental ? Pour rappel, le risque à 3 ans de développer un trouble psychotique durable (schizophrénie ou trouble schizo-affectif) en cas de trouble schizophréniforme est de 66%.   Dans une étude de très large échelle publiée dans la revue American Journal of Psychiatry, Starzer et al ont interrogé le registre central pour la recherche en psychiatrie Danois. Ce registre contient les données diagnostiques et les traitements des patients hospitalisés et en ambulatoire depuis 1969. Cela a permis aux investigateurs d’inclure 6.788 patients ayant reçu comme diagnostic « état psychotique induit par une substance » (EPIS) entre 1994 et 2014, sans diagnostic de trouble bipolaire ou schizophrénique au préalable. Afin de calculer le taux d’apparition de trouble schizophrénique ou bipolaire, chaque sujet inclus était apparié avec dix sujets contrôles d’âge et sexe similaires. Parmi les différents EPIS, 34% étaient liés à l’alcool, 22% au cannabis, 27% aux autres substances ou prises de plusieurs substances. Cette répartition est expliquée par les auteurs comme le reflet de l’usage de substances dans la population générale. L’âge du diagnostic de psychose induite par des substances variaient en fonction des toxiques (30 ans ou moins pour cannabis/amphétamine/cocaïne, et plus de 45 ans pour l’alcool et les opioïdes). En 20 ans de suivi, 32.2% des patients ayant reçu le diagnostic d’EPIS se convertissent en trouble schizophrénique (26%) ou bipolaire (8.4%) toutes substances confondues. Le plus haut taux était observé avec le cannabis (47.4%), puis les amphétamines (32.3%), l’alcool (22.1%), la cocaïne (20.2%), les opioïdes (20.9%). Lors des comparaisons avec les sujets tests, le hazard ratio (HR) de conversion en trouble schizophrénique était de 77.3 toutes substances confondues, c’est-à-dire que les sujets avec EPIS avaient 77 fois plus de risque de développer un trouble schizophrénique à 20 ans que les sujets appariés de la population générale. Ce HR était de 101.7 pour le cannabis (100 fois plus de risque…). Pour la conversion en trouble bipolaire le hazard ratio était de 24.4 toutes substances confondues. La moitié de conversion se faisait en 3 ans pour les troubles schizophréniques, et 5 ans pour les troubles bipolaires. On remarque que le taux est presque double avec le cannabis. Les auteurs avancent plusieurs explications pour ce taux élevé : (1) des troubles schizophréniques débutants mal diagnostiqués devant les fortes consommations de cannabis (2) que le diagnostic d’EPIS serait une étape préalable au développement d’un trouble schizophrénique par la suite et donc pourrait être utilisé comme marqueur prédictif. Concernant la schizophrénie, les facteurs prédictifs associés étaient  (1) sexe masculin (2) un âge entre 16-25ans, (3) un antécédent de trouble d’usage de substance, (4) un trouble de personnalité et (5) un trouble du comportement alimentaire. Concernant la bipolarité les auteurs ont retrouvé : (1) sexe féminin, (2) un âge supérieur à 51 ans, (3) le trouble de personnalité, (4) la dépression unipolaire et (5) les troubles anxieux. Une tentative de suicide dans les suites d’un EPIS était associée avec un plus haut risque de conversion pour le trouble schizophrénique et bipolaire. Ces données suggèrent de ne pas prendre à la légère une psychose induite par une substance et d’assurer un suivi sur le long terme pour permettre de détecter les symptômes schizophréniques ou bipolaires (notamment des critères d’hypomanie avec la famille) afin de mettre en place une prise en charge le plus précocement possible.   Par Mikaïl Nourredine interne en psychiatrie, DESC de pharmacologie Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL) & Benjamin Rolland MCU-PH, Responsable de Service Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL)

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