Tabac pendant la grossesse = enfant et adolescent en surpoids ?

Une étude parue dans le journal Drug Alcohol Dépendance

Tabac

Les effets délétères du tabac sur la santé des fumeurs sont désormais bien connus.  Ils sont désormais bien documentés pour de nombreux organes : poumons (cancer, asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive, diminution de la fonction respiratoire, sensibilité augmentée à la tuberculose), cœur et vaisseaux (infarctus, accidents vasculaires cérébraux, artériopathies), sphère ORL (cancer, inflammation chronique), sans oublier le risque de diabète, troubles cognitifs, baisse de la fertilité, fragilité osseuse, etc…

Les 69’000 morts par an en France en témoignent, le tabac est ainsi la première cause de mortalité évitable. Ceci s’associe à une perte d’au moins 10 ans d’espérance vie et une diminution de l’espérance de vie en bonne santé.

Ces manifestations sont d’intensité réduite voire même réversibles à l’arrêt du tabac, avec une diminution du risque d’infarctus du myocarde dès deux semaines après l’arrêt et un risque d’accident vasculaire cérébral identique au non-fumeur cinq à 15 ans à l’arrêt du tabac.

Les effets sur l’entourage sont également décrits avec le risque de tabagisme passif et le risque de petit poids de naissance et de complications accrues pour les bébés exposés au tabac pendant la grossesse. Sur le plus long terme, les effets du tabac sur le poids des enfants et adolescents exposés ont fait l’objet d’études plus controversées, avec tantôt un risque d’obésité tantôt une absence de risque mis en évidence.

Ce travail avait pour but de répondre à cette question en compilant toutes les données existantes sur le sujet (travail de méta-analyse avec regroupement de plus de 230 000 « dyades mère enfant », avec un suivi du poids durant l’enfance ou l’adolescence) : Existe-t-il une relation entre la consommation de tabac pendant la grossesse et le devenir ultérieur pondéral de l’enfant (surpoids ?). L’intérêt de cette étude était également de pouvoir éliminer les facteurs de confusion potentiels à savoir le sexe de l’enfant, le statut pondéral de la maman, l’existence d’un allaitement ou non, le niveau d’éducation maternelle et l’âge et de proposer une évaluation standardisée de la consommation de tabac et de l’effet dose réponse.

Ce travail colossal qui a nécessité la collaboration de plus de 25 institutions a mis en évidence un lien entre la consommation de cigarettes pendant la grossesse et le développement ultérieur d’un surpoids, avec des associations similaires entre les enfants et adolescents, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin (pas de différence). Le point important est que l’effet augmente à chaque cigarette consommée entre 1 et 15 cigarettes, puis se stabilise après 15 cigarettes par jour. La taille d’effet mise en évidence était en revanche relativement modeste. Les mécanismes explicatifs de cette association ne sont en revanche pas connus.

Que nous apprend ce travail et en quoi peut-il nous être utile ?

Tout d’abord cette information peut être utilisé à visée motivationnelle, avant ou pendant la grossesse, pour apporter à la future maman des informations supplémentaires qui pourraient éventuellement l’aider à augmenter les chances de sevrage ou de diminution. Même en cas d’absence d’arrêt, l’effet dose-réponse mis en évidence jusqu’à 15 cigarettes par jour témoigne des bénéfices d’une diminution, même minime, dès la diminution en dessous de 15 cigarettes par jour.

En effet le risque augmente de manière linéaire depuis la première cigarette par jour chacun cigarettes par jour pour atteindre un plateau reste identique avec une consommation de plus de 5 cigarettes par jour.

En cas de surpoids ou d’obésité chez l’enfant ou l’adolescent, il convient de ne pas culpabiliser les mères et de chercher les autres facteurs associés à ces problèmes éventuels, notamment sur le plan du comportement alimentaire, des aspects nutritionnels, familiaux, psychologiques, … et de cibler les facteurs pour lesquels des modifications sont possibles.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que ce travail, bien que réalisé à grande échelle, ne permet pas d’éliminer certains facteurs de confusion (i.e., psychopathologie maternelle et de l’enfant, vulnérabilité aux troubles des conduites alimentaires et facteurs associés à l’alimentation), et que la causalité ne peut pas être confirmée de manière absolue (étude longitudinale démontrant une association entre facteurs mais pas nécessairement une causalité).

Par Paul Brunault

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