Téléconsultations avec des patients en emploi souffrant d’addiction, ce que nous dit le confinement

Le 17 mars 2020 signe aussi le début du confinement pour nos patients. La téléconsultation va alors vite devenir un outil précieux de leur accompagnement. L’expérience de Corinne Dano, addictologue et médecin du travail au CHU d’Angers.

Toutes les addictions

Jusqu’alors, la plupart des médecins hospitaliers avaient une connaissance plutôt limitée de la téléconsultation ou TCS dont le développement régional semble encore « à géométrie variable ». Et ce d’autant qu’ils appartiennent à un secteur à l’offre de soins à priori suffisante.

Pourtant, la TCS fait partie des préconisations de niveau 3 du rapport « Addictions : la révolution de l’e-Santé »

L’actualité a bousculé nos pratiques, boostées par l’annonce de l’assouplissement des règles de TCS du 18 mars. Le COVID-19  a accéléré le processus de développement de la TCS à tous les niveaux de l’institution hospitalière en arbitrant des choix réactifs (plate-forme, mise à disposition du matériel adapté). Et puis la formation « au fil de l’eau » a respecté l’adage : « c’est en faisant que l’on apprend. » Et la TCS s’apprend vite !

Depuis des semaines, elle est devenue un outil précieux pour garantir la continuité des accompagnements tout en respectant les consignes de l’état pour lutter contre la pandémie.

Elle vient tout naturellement compléter les autres modes d’exercice et a, d’ores et déjà, pris sa place dans nos pratiques.

Un bilan plutôt positif à 3 semaines d’exercice

Toutes les consultations programmées étaient jugées pertinentes. Elles ont donc été maintenues en TCS

S’essayer dans un premier temps aux consultations de suivi a permis de vérifier que l’expérience clinique du praticien, sa capacité à faire alliance et  à renforcer la conviction qu’un changement est possible ainsi que les objectifs fixés prévalent sur l’environnement.

La TCS semble s’accommoder des consultations complexes et des avis ponctuels qui font le quotidien de l’addictologue et du médecin du travail. Nos outils habituels (éducation thérapeutique, thérapie psychodynamique et de soutien, approche motivationnelle) restent disponibles et utilisables.  Loin d’exclure la consultation présentielle, la TCS lui donne du relief contribuant à garantir une prise en charge adaptée sur le long cours.

Encouragés par cette expérience, nous avons répondu aux demandes de primo-consultation programmées. Celles-ci d’une durée d’environ 60 mn dressent un premier bilan (état du patient-salarié, analyse du contexte, objectifs).

Il y a eu très peu de réticence des patients qui se sont prêté volontiers à l’exercice. Les horaires étaient respectés. La majorité a pu se connecter (les difficultés ayant été résolues après appel téléphonique d’explication). Beaucoup ont pu exprimer une sensation de proximité avec le médecin en se sentant protéger. L’évocation des perspectives a permis d’introduire une temporalité   au sein d’un confinement « sans fin ».

On remarque que l’impact du confinement sur les conduites addictives varie en fonction de l’état de santé global de la personne, du degré de sévérité de l’addiction   et de sa situation professionnelle. Certains mesurent à quel point la mise à distance « obligée et donc déculpabilisée » du travail stabilise leur problématique. Pour d’autres, c’est malheureusement l’inverse.

A noter donc, une adaptabilité rapide tant côté patient que soignant.

Avantages

  • Relation duelle conservée et nécessairement attentionnée (focalisation sur la personne)
  • Prise en compte des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication obligeant à une parole plus posée et attentive
  • Impression de la part du patient de moins s’exposer «  l’écran me protège ».
  • Accès à l’environnement du patient
  • Souplesse et accessibilité
  • Accès aux soins conservé : « mieux que rien »
  • Recueil du vécu de la situation de confinement

Inconvénients

  • Absence d’examen clinique
  • Technologie parfois défaillante
  • Fatigabilité ?

Et après ?

Ce « passage en force » à la TCS va contribuer à effacer les résistances des professionnels à ce nouveau paradigme, ce qui devrait faciliter l’organisation du parcours de soins.

Il contribuera à l’évolution du cadre réglementaire, de la formation des professionnels, des critères d’évaluation et du financement.

Après le confinement…

Un article de Corinne Dano, médecin du travail et addictologue au CHU d’Angers.