Une thérapie assistée par les psychédéliques pour les personnes souffrant de troubles liés aux jeux d'argent et de hasard ?

Une synthèse scientifique réalisée par l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC).

Jeux d’argent et de hasard

Photo de Marek Piwnicki

Dans les années 50-60, la recherche sur les psychédéliques était très développée, mais elle s’est rapidement arrêtée pour des raisons politiques et juridiques. Depuis les années 90, et davantage encore ces 20 dernières années, les recherches ont repris, grâce à des découvertes dans le domaine des neurosciences et des évolutions d’ordre politique et sociétal.
Des chercheurs ont voulu savoir si la thérapie assistée par les psychédéliques dits classiques (LSD, psilocybine et DMT), qui ont prouvé leur efficacité dans le traitement de troubles mentaux (y compris les troubles addictifs) chez ceux qui ne répondent pas bien aux traitements habituels, pourrait être envisagée comme traitement à destination des personnes souffrant de troubles addictifs liés aux jeux d’argent et de hasard.

Pourquoi avoir effectué cette recherche ?

Les psychédéliques « classiques » sont des substances psychoactives qui modifient la perception, l’humeur et la cognition. Ils sont généralement considérés comme non dangereux, et n’induisent pas de phénomène de dépendance. Ils ont été utilisés pendant des millénaires, que ce soit pour des raisons spirituelles ou médicinales. Récemment, des études ont démontré que la thérapie assistée par les psychédéliques (c’est-à-dire une utilisation des psychédéliques combinée avec une présence médicale et un soutien psychothérapeutique avant/pendant/après l’ingestion d’une dose de psychédélique) présente des résultats prometteurs pour soigner l’anxiété, la dépression, le stress post-traumatique et les troubles de l’usage de substances.

Quel est le but de cette recherche ?

Etant donné les similitudes psychosociales et neurobiologiques, ainsi que les prises en charge similaires, entre les troubles précédemment cités et les troubles addictifs tels que l’addiction aux jeux d’argent et de hasard, les auteurs ont voulu mettre en exergue le fait que la thérapie assistée par les psychédéliques pourrait également apporter des bénéfices dans le traitement de cette addiction. D’autre part, ils sont également partis du constat que les traitements actuellement proposés ou testés pour la prise en charge de l’addiction aux jeux d’argent et de hasard, comme les thérapies cognitivo-comportementales ou les traitements pharmacologiques (nalméfène et naltrexone notamment), peuvent aider à réduire la sévérité du trouble mais restent insuffisants, notamment en lien avec les abandons de traitement et la fréquence importante de rechutes, d’où la nécessité de trouver d’autres traitements.

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

Les chercheurs se sont d’abord penchés sur les différentes hypothèses établies sur le fonctionnement des psychédéliques en faisant une revue de littérature. Ils ont ensuite fait une revue de littérature sur les résultats prometteurs des recherches les plus récentes sur les traitements à base de psychédéliques. Et enfin, ils se sont concentrés sur la façon dont ces traitements pourraient convenir spécifiquement dans le cadre du traitement de l’addiction aux jeux d’argent et de hasard.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Les chercheurs sont revenus sur les 7 hypothèses liées au fonctionnement des psychédéliques. Parmi celles-ci, ils expliquent que les personnes qui vivent avec des troubles mentaux ont souvent une rigidité cognitive, que les psychédéliques viennent bousculer. Cette nouvelle façon de fonctionner permettrait notamment une meilleure réponse thérapeutique (la neuroplasticité acquise permettrait de grands changements par exemple).

Le succès des recherches récentes sur la thérapie assistée par les psychédéliques repose sur le fait qu’une importance accrue est consacrée au « set and setting », à savoir la prise en considération de l’importance du « set » (la personnalité de la personne ainsi que ses attentes vis-à-vis de la thérapie) et le « setting », autrement dit tout ce qui entoure l’expérience (l’environnement physique, la relation patient-thérapeute). C’est en effet toujours dans un environnement sécurisant que ces expériences ont eu lieu lors des études (sessions préparatoires et présence de médecins).

Les recherches, pour traiter les dépressions résistantes, avec la psychothérapie assistée par les psychédéliques, ont montré des résultats très prometteurs : une amélioration importante des symptômes allant jusqu’à la rémission, et ce sur le long terme et après parfois une seule dose seulement. Des résultats également très encourageants ont été obtenus pour les patients ayant un trouble de l’usage de substances (alcool, tabac) : abstinence après six mois, et ce avec une seule dose.

Les auteurs rappellent cependant qu’il existe des contre-indications formelles à l’ingestion de psychédéliques (patients présentant des troubles psychotiques, des problèmes cardiaques ou épileptiques par exemple). D’autre part, certains effets secondaires, rares, peuvent être importants, d’où l’absolue nécessité d’accompagner le patient pendant les phases entourant l’ingestion et de conduire davantage de recherches dans ce domaine, pour limiter ces effets secondaires et les prendre en charge le cas échéant.

Pour les auteurs, étant donné que l’addiction aux jeux d’argent et de hasard est associée à un taux de suicide plus élevé que dans la population générale et s’accompagne de comorbidités psychiatriques importantes (anxiété, troubles de l’humeur et troubles de l’usage de substances), il est fort probable que cette thérapie puisse aider les personnes qui en souffrent, mais aussi d’autres patients souffrant d’autres addictions comportementales.

Les points clés à retenir

• La thérapie assistée par les psychédéliques semble être un traitement prometteur pour la prise en charge de l’addiction aux jeux d’argent et de hasard.
• Cette thérapie doit être menée dans des conditions très sécurisantes, avec un encadrement médical adapté.
• Les recherches sur la thérapie assistée par les psychédéliques doivent être développées afin de mieux connaitre l’efficacité et la sécurité d’emploi des psychédéliques dans le cadre de la prise en charge des addictions.

Plus d’informations sur cette recherche :
Pedro Romero, Andrea Czako, Wim Van Den Brink, Zsolt Demetrovics
Psychedelic-assisted therapy for people with gambling disorder? ; Journal of Behavioral Addictions, Février 2024
Lien accessible ici 

Retrouvez la synthèse de l’article du mois « Une thérapie assistée par les psychédéliques pour les personnes souffrant de troubles liés aux jeux d’argent et de hasard ? » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.