Vaut-il mieux initier un MSO en prison ou à la sortie de prison ?

En France, la prise en charge addictologique des détenus est peu codifiée, et soumise à des problèmes d’efficacité inhérents au fonctionnement propre des prisons, et à un turn-over parfois rapide des soignants en raison de conditions de travail parfois difficile. L’articulation des soins est souvent dysfonctionnante entre les structures addictologiques pénitentiaires et celles de l’extérieur, malgré des initiatives parfois innovantes et remarquables.

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En France, la prise en charge addictologique des détenus est peu codifiée, et soumise à des problèmes d’efficacité inhérents au fonctionnement propre des prisons, et à un turn-over parfois rapide des soignants en raison de conditions de travail parfois difficile. L’articulation des soins est souvent dysfonctionnante entre les structures addictologiques pénitentiaires et celles de l’extérieur, malgré des initiatives parfois innovantes et remarquables.

De nombreux médicaments de substitution orale sont initiés en prison. Dans un billet récent de Addict’Aides, on rapportait un article de revue de littérature qui décrivait à quel point, si l’héroïne était peu présente en prison, le sniff de buprénorphine y était répandu. Dans cet essai clinique paru dans Drug & Alcohol Dependence, les auteurs, des chercheurs de la ville de Baltimore aux Etats-Unis, ont comparé si l’initiation de buprénorphine avant ou après la sortie de prison changeait quelque chose sur les aspects addictologiques et judiciaires au cours de la première année qui suivait la sortie de prison. 211 sujets ont ainsi été inclus dans l’étude. Il s’agissait d’usagers d’héroïne ± cocaïne avant l’incarcération.

 

Au final, les auteurs ont constaté que les sujets chez qui la buprénorphine avait été initiée en prison avaient en moyenne était davantage traités après la sortie que ceux qui la buprénorphine avait été initiée après la sortie de prison. En revanche, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes sur le taux de reprise d’héroïne, le taux de reprise de cocaïne, et le taux de nouvelle condamnation judiciaire à 12 mois après la sortie.

Malgré leur intérêt, les résultats de cette étude illustrent certaines limites des essais randomisés par rapport aux études observationnelles. Ici, du fait du caractère randomisé, les sujets étaient certains de se voir proposé une prise en charge à la sortie. Dans la vraie vie, ce n’est pas aussi simple, et l’initiation de buprénorphine dès la phase de détention permet aussi (peut-être) de favoriser le relais vers une structure addictologique externe à la sortie. En tout les cas, les résultats de cette étude ne doivent certainement amener à penser qu’il ne sert à rien d’initier un MSO dès la phase prison. D’un point de vue plus générale, cette étude a le mérite de souligner l’intérêt de réaliser des études addictologiques chez les détenus, a fortiori des essais cliniques. C’est tellement dur en France, où les contraintes éthiques et administratives d’une part, souvent kafkaïennes, et la peur systématique des polémiques d’autre part, rendraient une recherche similaire quasiment impossible à réaliser. Pourtant, dans un contexte de surpopulation carcérale notoire, on aimerait bien avoir des indications sur l’état de santé addictologique des détenus, et sur la réalité des prises en charge qui leur sont offertes.