“Cherry“, un roman de Nico Walker

Autres drogues

Ce roman autobiographique, publié aux Editions Les Arènes, a été écrit par un vétéran de la Guerre en Irak, pendant les onze mois de détention auxquels il eu droit suite à une série de braquages de banques. Chaque épisode du parcours de Nico Walker fait le lien avec le précédent et construit un parcours personnel où chaque détail peut compter. L’auteur aurait peut-être aimé qu’il en soit autrement, mais il n’a pu arrêter le processus… Ca commence par une rencontre avec une jeune femme, Emily, sur les bancs de la faculté. Nico est à ce moment-là dans sa phase buvards (acide, LSD) comme il dit, et plane tout le temps. Il consomme aussi de l’ecstasy et des anxiolytiques à l’occasion. A la fac, il y va peu souvent ou à reculons ou alors pour y vendre des stupéfiants et arrondir ainsi ses fins de mois… Mais Nico a besoin de changer de vie et trouver sa place. Il s’engage dans l’armée en 2005 et finit par embarquer pour l’Irak. Il est affecté à la section des premiers soins d’un bataillon blindé… Les jours et les semaines se suivent et se ressemblent avec des pics occasionnels de libération d’adrénaline suivis de forts besoins de s’anesthésier pour oublier les horreurs de la guerre… Les psychotropes, comme on le sait, ne sont pas exclus du régime de vie en collectivité militaire, surtout pendant une guerre. On se fait envoyer du pays de l’herbe, de la poudre, des médicaments sur ordonnance, de l’alcool aussi bien sûr. On va même jusqu’à sniffer du dépoussiérant pour ordinateur. Il faut se requinquer, chasser les idées noires et prendre du plaisir au compte-gouttes… Nico, le jeune soldat d’une petite vingtaine d’années, se fait même envoyer des comprimés d’Oxycodone, cet opioïde dont on parle tant, impliqué dans la crise sanitaire que connaitra les Etats-Unis.

A son retour, après onze mois de désert et plein d’images morbides dans la tête, Nico a perdu Emily qui demande le divorce. Les prises de psychotropes continuent d’accompagner le parcours de vie d’un jeune homme de retour dans l’Ohio qui reprend désabusé la faculté. Il carbure alors à l’Oxycodone et à la cocaïne. Les fantômes de la guerre prennent trop de place, et Nico doit avant tout s’efforcer de les chasser. Il souffre du trouble de stress post-traumatique comme beaucoup de soldats de retour au bercail, mais aucun médecin n’est prêt à le diagnostiquer chez lui. Les stupéfiants l’aident à tenir le choc vaille que vaille. L’héroïne rentre alors dans sa vie et ne le quittera plus. Il enchaine les aventures sentimentales avec des usagères qui, comme lui, sont passées à l’injection… Mais Emily refait finalement surface. La jeune femme s’installe avec Nico et ils sont désormais deux à se shooter avec cette problématique de trouver les ressources financières nécessaires à la poursuite de leur consommation. Tous les matins, l’objectif reste le même : trouver de l’argent, se procurer le produit, et acheter les shooteuses. Mais il faut faire avec les qualités aléatoires des substances, les pénuries de produit et de sous, mais aussu la forte tolérance au produit qui exige qu’on augmente la quantité pour ressentir les mêmes effets. Mais Nico et Emily doivent surtout faire avec les symptômes physiques et psychologiques du manque, les uns accompagnant les autres, symptômes qui se manifestent ouvertement et sont particulièrement douloureux. Nico et Emily sont entrés dans ce que l’auteur appelle “la grande romance des toxicos“… Ils envisagent le sevrage, ou du moins en parlent. Mais ce ne sera pas pour tout de suite, pas le moment, car il ne s’impose pas comme une évidence…

Le dénouement, nous le connaissons : des braquages à répétition pour financer une consommation importante, et une arrestation en 2009… Bien entendu, comme nous le savons depuis longtemps, ce n’est pas le produit, ou les produits, qui font à eux seuls le parcours d’addiction raconté par Nico Walker. Le parcours d’usage accompagne le parcours de vie mais, au-delà d’un environnement, d’un entourage, d’une personnalité ou d’événements favorisant la consommation, c’est souvent dans les détails que se cachent les raisons de la poursuite d’un usage quelque soit son intensité et sa fréquence, les satisfactions retirées et les dommages causés…

 

Cet article est la version courte d’un texte paru dans le numéro 6 de la revue mensuelle DOPAMINE

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