Cinéma / “La fille du train“ de Tate Taylor

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Un élément essentiel manque à la bande annonce de ce film : c’est la consommation d’alcool de son personnage principal. Elle est pourtant bien présente et a un impact sur l’histoire. Le producteur ou le réalisateur ont sûrement voulu déplacer dans les salles obscures les spectateurs essentiellement friands de polars (le film en est bel et bien un) en mettant de côté la thématique de l’alcoolo-dépendance féminine, pourtant abordée dans le film et surtout dans le roman dont il est adapté, et paru en poche aux Editions Pocket en septembre 2016.

En effet, il a fallu moins de deux ans après la sortie du roman à succès de Paula Hawkins en Angleterre en 2015, pour que Tate Taylor, le réalisateur américain se mette à la tâche. Le film sorti sur les écrans en France en octobre 2016 est assez fidèle à l’œuvre originale. Certes, l’action est transposée de la banlieue de Londres à celle de New York, les trains sont plus aseptisés, la jeune femme est un peu moins débraillée, et son alcoolisme moins prononcé, mais Paula Hawkins semble en tout cas très satisfaite de cette adaptation cinématographique.

Rachel vit, depuis son divorce, à New-York chez une amie à elle, qui la dépanne. Elle a quitté son travail et passe ses journées dans un même train de banlieue à faire des allers-retours pour observer à distance la vie son ex-mari Tom dans la maison qu’elle a occupée avec lui et qui borde la ligne de chemin de fer. Elle n’arrive pas à faire le deuil de cette relation, d’autant plus que son mari vit désormais avec sa nouvelle compagne avec laquelle il a un bébé, ce que n’avait pas pu lui “offrir“ Rachel. La jeune femme d’une trentaine d’années a plongé dans la dépression et s’anesthésie avec l’alcool. Elle ne fait pas qu’observer son mari et sa nouvelle femme, mais observe aussi à travers la vitre du train le couple de la maison d’à côté, couple qu’elle idéalise, auquel elle a attribué les prénoms de Jason et Jess et pour lesquels elle imagine une vie sentimentale idéale. Un jour malheureusement elle croit voir cette jeune et belle voisine avec un autre homme, ce qui la bouleverse. Le soir, elle apprend que la jeune femme, de son vrai nom Megan, qui se trouve être aussi la baby-sitter de la fille de son ex-mari, a disparu. Rachel s’implique alors maladroitement dans la recherche de son potentiel assassin en faisant des déclarations précipitées…

Ici l’alcool joue des tours à la mémoire de sa consommatrice qui souffre de trous de mémoire suffisamment importants pour qu’elle finisse par avoir des doutes sur sa propre culpabilité dans cette affaire. Le regard de son entourage est souvent condescendant et son alcoolo-dépendance semble malheureusement totalement discréditer sa parole. Rachel a commencé à boire après avoir appris qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant, et son alcoolisation excessive semble avoir été responsable de son divorce. On apprendra assez tard que ce n’était pas aussi simple… Suite à cette séparation la jeune femme a consommé de plus belle. Elle s’anesthésie à la vodka dont elle remplie sa bouteille en plastique, bouteille dont elle tète l’embout comme s’il s’agissait d’un doudou. Rachel a besoin de son alcool pour supporter sa solitude et sa douleur. Ses obsessions de trouver l’assassin de la belle Megan ne seront jamais mises de côté malgré l’abstinence à laquelle elle décide de s’astreindre au milieu du film pour retrouver, difficilement, la dignité qu’elle a perdue dans le regard de son entourage et dans le sien propre…

On peut juste regretter ici, qu’encore une fois, le sevrage qu’entreprend la personne concernée, en l’occurrence Rachel, soit conditionné au suivi de séances des Alcooliques Anonymes, à croire que beaucoup de cinéastes ne connaissent pas d’autres alternatives…