Documentaire / “Southern Belle“, Un film de Nicolas Peduzzi

 

Ce premier film du réalisateur français Nicolas Peduzzi, lauréat du Grand Prix au dernier Festival international du documentaire de Marseille, en salle le 11 avril, nous invite dans la vie de Taelor, cette jeune femme de vingt six ans, originaire de Houston-Texas, qui répond en apparence aux clichés de la jolie blonde pulpeuse du sud, comme l’indique le titre. Mais, même si Taelor est une fille texane simple, elle est loin d’être idiote et naïve. Son parcours de vie l’a basculé dans une dimension dont il est difficile de définir les limites et le sens. Chez Taelor, tout glisse. Elle semble totalement anesthésiée depuis longtemps, du moins depuis la mort de son père richissime, grand exploitant pétrolier, qui lui a laissé une fortune de 500 000 dollars alors qu’elle n’avait que quatorze ans. Sa vie va ressembler alors à celle d’une “pauvre petite fille riche“ abandonnée à un sort peu enviable.

A seize ans, Taelor demande l’émancipation, mais sa mère qui n’a visiblement pas digéré le divorce prononcé peu de temps avant la mort de son ex-mari, et un testament modifié quelques jours avant le décès, fait enfermer sa fille dans un hôpital psychiatrique loin de chez elle. Sous prétexte de suractivité, les médecins lui prescrivent des amphétamines à forte dose, ce que ne sera sûrement pas sans conséquence sur ses consommations futures de psychotropes. Elle reste enfermée pendant un an et demi et refait surface avec à la clé une bataille juridique de plus de quinze ans, toujours en cours, avec une mère qu’elle respecte beaucoup, mais qu’elle ne voit plus. Taelor n’en veut à personne, n’est en guerre contre qui que ce soit. Elle demande un peu de respect et aussi sûrement l’affection qu’elle a perdue à la mort de son père dont elle se sentait si proche. « C’était comme si le monde entier se moquait de moi, me privant de la personne la plus importante de mon univers. » Taelor est seule, ou presque, et quand le documentaire commence, elle chante face à une salle vide de karaoké: « Ça fait long, longtemps que j’attends, mais je le sais, le changement viendra. Oh, oui, il arrivera. ». Son amoureux américain est loin d’elle, au Mexique, car interdit de séjour aux Etats-Unis pour avoir essayé de faire passer des médicaments dans son pays d’origine.

En attendant de voir venir comme on dit, Taelor, mais aussi les amis qui l’entourent, consomment des psychotropes à s’en faire “péter“ le cerveau. L’alcool fort est bu au goulot, jamais dans un verre, et n’est là finalement que pour s’anesthésier. La cocaïne permet elle de se sentir vivant et de tenir toute la nuit pour supporter la fatigue de soirées entre amis, soirées en petit comité qui semblent interminables, avec parfois des virées en armes pour dégommer gratuitement des lapins dans la campagne texane. Taelor suit le mouvement, sans jamais se plaindre, en regrettant parfois de ne pas avoir à disposition de l’oxycodone (opiacés synthétique) pour oublier qu’elle accompagne en pleine nuit des mecs qui ne sont là que pour mesurer la taille de leur “gun“, et s’en servir à l’occasion.

Difficile de ne pas avoir d’empathie pour cette jeune femme qui semble avoir tout perdu même si elle semble avoir tout à disposition. Elle vit simplement, dans une petite maison, après avoir vendu l’énorme propriété familiale qui lui coûtait trop cher en impôt. Elle ne travaille pas, se laisse vivre, mais sous la légèreté toute apparente, semble se cacher un désespoir qui se dilue dans l’alcool bu en grande quantité sans que cette consommation se soit remise en question à aucun moment. A quoi bon. Il ne s’agit pas ici de réduire les risques, mais simplement de prendre du plaisir au jour le jour, et mettre à distance un passé peu réjouissant et un avenir bien flou…

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