Essai / L’impossible prohibition de Alexandre Marchant

Autres drogues

 

Cet ouvrage, publié aux Editions Perrin, propose un panorama complet des tenants et des aboutissants d’une politique prohibitive des drogues entamée réellement au début du vingtième siècle, et qui n’a fait que se consolider depuis, même si un mouvement inverse semble se dessiner par petites taches d’huile de l’autre côté de l’atlantique, mais aussi en Europe. La France n’a fait que suivre le mouvement prohibitionniste lancé par les gouvernements américains successifs bien en peine quand il a s’agit de traiter en profondeur ces problématiques d’usages ou de trafics.

L’ouvrage de presque six cent pages est sous-titré “Drogues et toxicomanie en France 1945-2017“ et revient sur un certain nombre d’éléments qui ont conduit à l’adoption de la fameuse loi du 31 décembre 1970 qui régit encore nos politiques publiques sans jamais avoir été remise en cause. Cette loi, qui a décidé de pénaliser l’usage en privé de stupéfiants dont la consommation n’était jusque-là interdite qu’en “société“ c’est à dire dans l’espace public (suite à une loi de 1916), est un tournant dans ‘histoire de notre politique de lutte contre les drogues.

Alexandre Marchant revient sur la naissance du régime prohibitionniste actuel et nous raconte l’histoire et les voies des trafics des stupéfiants et les liens tissés entre la France et les Etats-Unis autour de la lutte contre le trafic d’héroïne d’une French Connection qu’on espérait concentrée entre les mains d’un seul noyau dur alors qu’elle était bien plus tentaculaire que ça. Il nous explique comment l’émotion et le scandale suscité en 1969 par le drame de Bandol dans le sud de la France, à savoir le décès par overdose d’héroïne d’une adolescente dans les toilettes de son lycée, a conduit le gouvernement à faire voté la loi de 1970. Il nous invite à le suivre sur le parcours d’évolution des usages depuis les années soixante jusqu’à nos jours, et sur celui des politiques des gouvernements français successifs, de gauche ou de droite, gouvernements qui n’ont jamais réussi à se dépatouiller d’une loi qui mélange répression et prise en charge médicale.

“L’impossible prohibition“ est celle qui a choisit de lutter sans merci, à grand renfort de dollars, de pesos ou d’euros perdus d’avance contre un trafic dont les ramifications n’ont fait que s’étendre, en espérant ou en croyant le contenir ou l’anéantir, en vain.

“L’impossible prohibition“ est celle qui a choisi le camp de la stigmatisation des usagers en les considérant soit comme délinquants, soit comme malade chronique, avec la difficulté inévitable de mettre en place des outils efficaces de prise en charge de ceux qui en ont besoin.

La société civile a su, grâce en grande partie à ses acteurs de terrain, prendre le relais en considérant l’usager comme un citoyen à part entière. Elle lui a donné la parole et a choisi de l’accueillir et de l’accompagner pour réduire les risques et les dommages malgré les obstacles d’une politique encore prohibitive…

Gageons que cet ouvrage très complet et détaillé sera vite une référence, car il regroupe une somme assez rare d’informations précieuses pour comprendre les avancées et les reculs, mais surtout les manques d’une politique qui mérite d’être revue de fond en comble.

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