Le “K“ du “K contraire“ que nous propose la réalisatrice Sarah Marx dans ce film, est celui de la Kétamine, ce psychotrope utilisé légalement aussi bien en médecine animale qu’en médecine humaine, mais dont les usages récréatifs sont illégaux. Cette kétamine, au potentiel euphorisant, anesthésiant et analgésiant occupe ici principalement le terrain comme marchandise à potentiel lucratif pour payer un loyer, une pension alimentaire ou une aide à domicile…
A peine libéré, sous contrainte comme on dit, pour bonne conduite et perspectives crédibles de réinsertion, et après de six mois de détention suite à une condamnation pour trafic de stupéfiants, Ulysse, un jeune homme de vingt-cinq ans, doit trouver dans l’urgence de quoi subvenir à ses besoins et surtout à ceux de sa mère sous tutelle et souffrant de dépression chronique… Comme le dit l’adjointe de la procureure de la république, sa mère c’est un moteur pour lui. Malheureusement la vie d’Ulysse hors les murs est bien trop encombrée pour qu’il ait la possibilité d’atterrir comme il dit, qu’on lui laisse le temps de souffler et de se retrouver pour penser à un avenir meilleur. Ulysse est dans l’urgence, et devra faire avec ce qui lui tombe dessus mais qu’il savait devoir retrouver à sa sortie. Il a plusieurs casseroles sur le feu, à savoir toutes les préoccupations des proches qu’il a mis de côté pendant son séjour en prison et qu’il retrouve six mois plus tard, à bout, aux abois et tous au bord de l’implosion. Il bataille sur plusieurs fronts, la priorité étant sa mère qu’il doit soutenir psychologiquement et financièrement. Et quand on a vingt-cinq ans, même si l’on est débrouillard, plein d’énergie et de bonne volonté, pas facile d’arranger tout le monde. Il se retrouve coincé, avec des responsabilités et des contraintes de soutien maternel qui ne sont pas à la portée de tous…
A sa sortie de prison, le matin même, Ulysse va signer son contrat de travail chez son ami David, contrat qui justifie sa liberté sous contrainte par une vraie proposition d’embauche, et donc par une perspective de réinsertion passant par un travail honnête, du moins légal… Mais le job que lui propose son ami, n’est pas tout à fait légal puisqu’il s’agit de vendre de la kétamine. Le contrat d’embauche est un leurre pour l’administration… Ulysse a fait son choix, celui de reprendre le deal, pas le deal de cannabis, dont il a fait le tour visiblement, mais celui de la kétamine, substance qui rapporte bien plus d’après lui… Il ne veut pas, ou n’a pas le temps de tergiverser. Il est pragmatique. Il sait comment faire pour gagner de l’argent vite et bien, alors les risques il faudra faire avec sans prendre le temps de tenter de les réduire au mieux en balisant le terrain. On saute sur le premier plan venu même si ça sent la galère à venir… Celui que lui propose David au tout début du film est la location d’un food truck qui fera la tournée des free parties pour vendre des burgers accompagnés d’une boisson rafraîchissante coupée à la kétamine, préparation réalisée par un vétérinaire. Bien entendu, ça ne va pas se passer comme prévu…
Ulysse doit aussi trouver une solution pour sa mère et accepter le nouveau traitement que propose de mettre en place le psychiatre hospitalier, traitement à base de Kétamine. Mais malgré toutes les précautions langagières du médecin et les assurances qu’il donne que le protocole est sécurisé dans les dosages pour éviter les déconvenues et les risques d’addiction, pas question pour Ulysse que le produit qu’il compte vendre dans les free parties à des teufeurs dont il ne sait rien, et qui ne font pas partie de son entourage, soit mis entre les mains de sa propre mère… Il va pourtant falloir qu’Ulysse lâche prise et qu’il accepte de faire confiance aux médecins qui sont censés savoir ce qu’ils font… Il sait qu’il doit déjà desserrer les dents et essayer de s’apaiser s’il veut que les problèmes s’arrangent, même si les circonstances sont contre lui… Seul moment de détente et de soulagement où toute la tension de ce film, court mais intense, redescend, sont les quelques secondes qui suivent la mise sous perfusion de kétamine de Gabrielle et qui clôture le film. Allongée sur son lit d’hôpital, on retrouve le sourire de cette mère de famille et on espère alors qu’il sera communicatif… Attendons de voir les bénéfices du traitement non seulement chez cette mère aimante, mais aussi chez un fils soutien de famille malgré lui… Le séjour en hôpital psychiatrique, tant redouté par Ulysse, constituera peut-être pour lui aussi le moment de répit dont il a tant besoin…
Thibault de Vivies
(Cet article est la version courte d’un article paru dans la revue DOPAMINE.)