“L’agent du chaos“ Un roman de Giancarlo de Cataldo

Ce roman, publié aux Editions Métailié, nous raconte l’histoire de Jay Dark, personnage dont s’est emparé un romancier dans une nouvelle, mais dont un avocat du nom de Flint tient à lui raconter toute l’histoire, la seule, la vraie. Il prétend avoir été directement en contact avec cet homme de l’ombre, agent infiltré, chargé par la CIA de répandre le LSD, entre autres psychotropes, dans un ensemble de communautés ou groupes contestataires des Etats-Unis et d’ailleurs… Ca commence en 1960 quand un jeune homme d’une vingtaine d’années, du nom de Jaroslav Darenski, « Jaro“ pour les intimes, gagne sa vie en cambriolant les maisons bourgeoises de Manhattan. Arrêté par la police, il se fait passer pour fou et interner à l’hôpital Bellevue. Arrivé là, on lui propose de participer au “Programme“, une expérimentation médicamenteuse de six mois qui permettra à Jaro, s’il l’accepte, de voir en échange son procès annulé. Le jeune homme n’a pas froid aux yeux. Les produits qu’on va lui administrer à l’Hôpital Bellevue ne lui font pas peur, d’autant plus qu’il a la particularité d’y être particulièrement insensible. Les drogues n’ont donc aucun effet sur lui. Pour ne pas prendre le risque d’être exclu du programme, il faut donc qu’il simule… Un jour le Docteur Harry Kirk confronte Jaro à des analyses qui prouvent l’imposture du cobaye, mais plutôt que de le renvoyer du programme il lui propose de travailler comme agent infiltré… Jaroslav Darenski se fait désormais appeler Jay Dark. Le Dr Kirk a de grands projets pour le jeune homme, en faire “un agent du chaos“… Le Dr Kirk est, d’après Maitre Flint, l’initiateur de l’opération MK-ultra à laquelle il veut mêler désormais son protégé Jay Dark. Ce programme gouvernemental « visait à étudier les effets potentiels des drogues dans le contrôle des comportements humains. » La finalité de l’affaire était de pouvoir se servir des psychotropes pour faire parler l’ennemi, stimuler des pratiques déviantes, troubler la mémoire et créer une dépendance. Et quand on parle d’ennemi, on parle des armées étrangères mais aussi des communautés contestataires…

La première mission d’infiltration de Jay Dark est à la célèbre université d’Harvard où enseignait le fameux professeur Timothy Leary qui avait mis en place un protocole de recherche dénommé « Harvard Psychedelic Project » qui consistait à étudier les vertus de substances comme les champignons hallucinogènes ou le LSD, substance particulièrement hallucinogène… L’objectif pour Jay est de participer à des cessions de trips étudiants et de promouvoir alors le produit dont l’usage doit faire tache d’huile et toucher l’ensemble du campus. Plus ces usages se répandront dans la communauté des étudiants, plus cette communauté sera volatile, plus elle sera instable et incontrôlable, et plus le “chaos“ pointera le bout de son nez. L’idée est à terme de discréditer ces mouvements contestataires et les pousser à l’autodestruction…. Ce qui devait arriver, arriva… L’état d’esprit des étudiants changea. Le mouvement contestataire était en route. Rien ne pourrait l’arrêter… Jay, après avoir obtenu son diplôme à Harvard, se mit en tête de fabriquer lui-même du LSD pour le distribuer. D’une distribution gratuite il passa assez vite à la vente. Sa carrière lucrative de dealer lui permit de compenser la frustration de ne toujours pas pouvoir profiter des effets psychoactifs des produits… Après les Etats-Unis, l’Europe était visée et il s’agissait alors de déverser les produits en masse sur le vieux continent…

Le récit par Maitre Flint du parcours de ce jeune cambrioleur devenu agent infiltré, et enfin grand trafiquant de stupéfiants, ne lèvera pas le voile sur les quelques mystères persistants et les questionnements encore présents chez le romancier… Certes, le LSD a fait l’objet de recherches approfondies dans ces années-là. Certes, la culture psychédélique a eu son heure de gloire. Et certes, des communautés entières ont malheureusement souffert d’une diffusion massive de produits, et ont été stigmatisées pour leurs usages… Quand à savoir qu’elle a été la part d’implication, directe ou indirecte, des gouvernants dans la propagation de ces divers psychotropes dans la société, difficile d’être affirmatif, ou en tout cas catégorique, bien entendu… Le commun des mortels devra se contenter de bribes de vérité pour essayer de reconstituer un puzzle complexe…

 

Ce texte est la version courte d’un article paru dans le numéro #03 de le revue DOPAMINE

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