Publié aux editions Sonatine, le roman que nous propose Alan Glynn, auteur de “Champs de ténèbres“, adapté au cinéma en 2011 par Neil Burger sous le titre “Limitless“, va chercher du côté des expériences psychotropes menées par le passé par les agences américaines de renseignement. Cette “expérience“ est ouvertement inspirée du fameux projet Mk-Ultra mené par la CIA entre les années 50 et 70, dévoilé en 1973, projet qui visait à expérimenter sur l’être humain des substances comme le LSD avec cet objectif de tester des processus de manipulation mentale…
L’histoire qui nous est racontée ici nous propose de passer de l’époque contemporaine aux années 50. Dans ces années-là, à New-York, Ned Sweeney travaille dans une agence de publicité et, lors d’une soirée passée avec un collègue, absorbe à son insu une substance psychoactive mystérieuse, le MDT 48. Il est en fait sans le savoir le cobaye d’une expérience menée par la CIA pour étudier les effets du produit. Le jeune père de famille sent bien qu’il est victime de ce qu’il est difficile d’appeler une intoxication, car le produit n’a dans l’immédiat que des effets ressentis comme positifs sur son organisme, ou du moins son cerveau. Ses sens se sont développés et il est bien plus en confiance que d’habitude. Par l’intermédiaire de son collègue, complice de l’expérimentation psychotrope, et de l’homme chez qui il a passé la première partie de soirée, et qui sera retrouvé mort, écrasé mystérieusement par une voiture le lendemain matin, il rencontre des personnalités de premier plan. Il est capable d’aborder des sujets qu’il ne maîtrise pas habituellement et d’appréhender des problématiques jusque-là inconnues. La soirée, ou plutôt la nuit, sera prolifique, mais au réveil, les effets s’étant dissipés et le constat étant fait du décès de son invité de la veille, l’objectif de Ned sera de comprendre ce qu’il s’est passé, d’identifier l’expérience à laquelle il a participé sans son consentement, et surtout de mettre la main sur une fiole de ce produit miracle et pouvoir ainsi, aux compte-gouttes, absorber régulièrement, mais à bon escient, cette substance stimulante qui ne nécessite qu’une infime quantité de liquide pour que la molécule active fasse son petit effet. Ned est plutôt “raisonnable“ ou du moins très précautionneux dans ses prises, mais l’addiction pointe le bout de son nez et l’impact sur sa vie familiale et professionnelle ne sera pas négligeable…
A l’autre bout du temps, quelque 70 ans plus tard, Ray Sweeney, le petit-fils de Ned, rencontre, dans le cadre de son travail d’analyste de données, un certain Clay Proctor, vieil homme de plus de 90 ans, ancien homme politique, proche de Nixon et des agences de renseignement. L’homme lui apprend qu’il a bien connu son grand-père, qu’il en garde un très grand souvenir, mais que contrairement à ce que pensait Ray, car c’est ce qu’on lui a toujours raconté dans la famille, ne s’est pas suicidé en se jetant par la fenêtre d’un building newyorkais dans les années 50. C’est bien plus complexe que ça. Ray décide alors d’enquêter plus avant sur ce qui a pu arriver à son grand-père…
Bien entendu, cette enquête, qui conduit le lecteur alternativement dans les deux époques, nous dévoilera les méthodes troubles des agences de renseignement américaines, mais aussi les vertus insoupçonnées, qui ont à voir ici avec le sevrage tabagique, de cette drogue de synthèse… Difficile de pas imaginer en l’occurrence, que si les expérimentations avaient été faites dans un cadre juridique sécurisé et avec le consentement des usagers, les dégâts humains, qui ont plus à voir ici avec la clandestinité de l’affaire, auraient été moins importants…