S’aventurer dans cette série, devenue culte, de bandes dessinées irrévérencieuses de l’auteur australien Simon Hanselmann, c’est observer par le trou de la serrure l’univers souvent confiné, et toujours intime, de Megg, Mogg, Owl, et de leurs camarades de jeu et de défonce… Ce volume, Long Story Short, vient après cinq numéros déjà édités ces dernières années, et réunit dans un seul et imposant ouvrage des épisodes parus isolément à droite à gauche dans différents fanzines, magazines et revues entre 2016 et 2020. De quoi compléter, à l’occasion de leurs aventures successives, le tableau de chasse psychoactif de ces personnages attachants aux comportements souvent déroutants. Présentons les principaux en deux mots. Il y a Megg, une sorcière un peu dépressive, puis Mogg son amant, un petit chat libidineux, mais également Howl, un hibou souffre-douleur de la communauté amicale, et enfin quelques potes de passage pas toujours bien attentionnés, mais toujours prêts à prendre part aux usages de psychotropes disponibles à l’occasion. Parmi ces amis, Werewolf Jones, un loup-garou, est très porté sur les usages de drogues et les choses du sexe. Ce personnage, très présent dans ce volume, est particulièrement sale et encombrant. Il a en effet l’habitude de venir squatter le canapé de Megg, Mogg et Hawl qui vivent sous le même toit, mais plus globalement de s’incruster dans les moments de vie des membres de cette cohabitation bancale. Trois autres personnages font leur apparition à l’occasion : Dracula Junior, Mike, un magicien dealer, et Booger, l’amie lézard de cette bande… Tous ces humains et animaux vivent en parfaite harmonie, dans la mesure où ils partagent la même langue, les mêmes préoccupations, ou presque, sans que leurs différences d’origine nous sautent aux yeux. On les oublie vite du moins. Ces personnages sont amis ou amants, font avec leurs différences physiques sans que ce soit un obstacle à leurs rapports amicaux, sentimentaux, ou sexuels, bien au contraire. Ils semblent avoir au moins deux points communs essentiels : les mêmes difficultés financières et le même plaisir de la défonce, quand ils en ont les moyens. Aucun d’eux ne paraît travailler, sauf Howl, le hibou. Ils comblent leur ennuie en accumulant les choses à ne pas faire ou en s’aventurant dans les paradis artificiels en espérant en retirer le maximum de détente et de plaisir. S’affaler sur leur canapé, ne rien faire, et consommer alcool, cannabis, ecstasy, médocs, acides, kétamine, DMT, Methamphétamine, champis ou autres, sans modération, ou du moins sans modération intentionnelle, est probablement le plus grand de leur trip…`
Parmi les occasions plurielles de consommer, ressortons de ce volume quelques moments particuliers où les effets ne seront pas à la hauteur des espérances…. Dans une loge d’artiste, par exemple, Megg et Werewolf Jones partagent une bouteille de cidre mélangé à du valium, du paracétamol ou du tramadol. L’idée est de soulager ses crampes et se détendre avant de se produire sur une scène miteuse et tenter alors de faire croire aux spectateurs qu’ils vont assister à un concert rodé alors qu’il n’en est rien. Malheureusement, ça se finira par une annulation car Megg est incapable de se lever, et est plus encline à vomir qu’à chanter… Autre situation : dans ce que Mogg appelle une soirée “lucide“ qui consiste à « regarder au plus profond de la réalité, et la remettre en question », Howl, Werewolf, Megg et son amant chat s’allongent sur le sol d’un abri de jardin, et tentent d’explorer sous somnifères leur inconscient. Malheureusement, leur sommeil profond leur jouera de vilains tours, et les fantasmes se transformeront en cauchemars… Dernier exemple : assise sur son canapé, Megg est tellement défoncée au cannabis, consommé toujours ici avec un bang, qu’elle ne peut pas manger son sandwich qui semble la supplier de l’épargner… Les autres moments font partie du quotidien de la défonce de nos antihéros, ou au moins du désir de défonce, non assouvi souvent par manque de moyen. Ces moments permettent aussi de faire passer le temps…
Si ce dernier volume, Long Story Short, n’est pas celui où les usages sont les plus présents, contrairement aux précédents, il invite tout de même à aller jeter un oeil de plus prêt à ce qui se joue là entre déclassement social, ennuis, et usages récréatifs qui invitent les personnages, pas toujours avec succès, à se sentir plus vivant encore…
Thibault de Vivies
(Cet article paraitra dans le numéro 18 de la revue DOPAMINE – www.revuedopamine.fr)