La dernière fiction du romancier norvégien à succès Jo Nesbo nous embarque dans ce qui semble bien être le pays de Macbeth, le personnage de Shakespeare, c’est à dire l’Ecosse, mais l’époque diffère de celle du fameux auteur dramatique britannique. L’action se situe ici dans les années soixante dix. Le roman est bien une adaptation de la pièce de théâtre, mais très libre même si les noms des personnages, et les relations entre eux, ont été conservés. Peu importe les parallèles que l’on pourrait faire ou pas, si l’on rentrait dans les détails, avec l’œuvre du dramaturge, il s’agit bien en tout cas ici encore de jeux de pouvoir, mais sur fond de trafic de stupéfiants.
Le trafic de drogues tourne dans cette fiction autour d’un produit particulièrement addictif, appelé “bouillon“, substance aux effets puissants et prisée par une population qui subit de plein fouet une crise économique et social, et trouve son salut dans ce psychotrope et dans les jeux d’argent. Avant que les affaires se compliquent, le système fonctionnait jusque-là dans la ville avec un tout puissant chef de la mafia locale, Hécate, qui dirigeait le trafic avec la complicité d’un préfet de police en poste, corrompu, Kenneth. A la mort de ce dernier, c’est un homme intègre, Duncan, qui récupère le poste et compte bien régler les problèmes en affrontant les trafiquants. Deux gangs se font concurrence, celui d’Hécate et celui de Sweno, biker qui dirigent les “Riders“. Macbeth, qui jusqu’alors était commandant de la Garde, est alors promu chef de la Brigade anti-criminalité. Sa maitresse, Lady, dirige le grand casino de la ville, et a l’ambition d’emmener Macbeth au plus vite au poste suprême de préfet de police. Mais pour cela il faut éliminer le préfet en poste, à savoir Duncan. Et la tâche ne sera pas aussi simple qu’il n‘y paraît. Lady est bien sûr de mèche avec le puissant dealer Hécate qui compte bien retrouver le monopole du trafic en faisant éliminer la concurrence quand ses alliés seront aux responsabilités, comme dans le temps de Kenneth. L’objectif de chacun est finalement assez clair, mais c’est sans compter sur la sensibilité et la susceptibilité des uns et des autres, mais aussi surtout sur la pugnacité de policiers intègres qui glisseront un certain nombre de grains de sable dans la mécanique ambitieuse de Lady, Hécate, et compagnie, mécanique où les collisions entre trafics et gouvernance d’état sont légions.
Macbeth se plie lui aux désirs de sa maitresse, mais la pression exercée sur lui et les remords le pousse à revenir à ses amours passés, à savoir une consommation non contrôlée de “bouillon“, associée assez vite à une autre substance, appelée “power“, aux effets et à la toxicité plus intenses encore.
Bien entendu, pas question de dévoiler le reste de l’intrigue, mais les six cent pages de ce roman suffiront à la complexifier, bien heureusement. Si le monde du trafic était aux mains d’une seule et même personne entourée uniquement de larbins fidèles sans aucune ambition, alors tout semblerait plus simple pour les personnages impliqués de chaque côté de la loi. Mais les ambitions de pouvoir et la cupidité exacerbée bousculent le cerveau des protagonistes, cerveau libérant alors suffisamment de neuromédiateurs pour que son déséquilibre crée des tensions de part et d’autre. L’homéostasie du système nerveux central de chacun et plus globalement du système de trafic apaisé souhaité, repose sur un donnant-donnant bien fragile ici, et surtout sur une compromission généralisée, ce qui est heureusement loin d’être le cas encore…