TABAC / Treize anciens salariés de Philipp Morris portent plainte

Après les révélations du Parisien sur les pratiques commerciales illégales de Philip Morris, un collectif d’anciens salariés chargés de vendre la « cigarette du futur », IQOS, racontent comment ils ont été « manipulés ».

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C’est l’histoire de trois garçons, non-fumeurs, embauchés pour vendre un produit innovant. Et qui se retrouvent à faire la promotion illégale d’une « cigarette du futur ». « On a été manipulés, escroqués », s’insurgent Paul*, 35 ans, Thibault*, 33 ans et Jérémy*, 40 ans qui, comme nous le révélons, attaquent en justice le géant du tabac Philip Morris. Ils sont les premiers à saisir les prud’hommes pour « contrat illicite » et à déposer, également, plainte au pénal. « J’ai treize plaignants », précise leur avocat, Me Jonathan Bellaiche.

Tout a commencé il y a un an, lorsque Philip Morris annonce le lancement de sa cigarette du futur, IQOS, un appareil électronique au tabac chauffé, censé être moins nocif. Le fabricant fait alors appel à des commerciaux, via l’agence de marketing CPM, chargés de démarcher des clients. Un système de publicité indirecte « totalement illégal », selon la direction générale de la santé, puisque la loi interdit toute promotion du tabac. Sauf que Jérémy et ses copains ne découvriront leur véritable mission qu’une fois leur contrat signé (document que nous avons pu consulter).

Extraits du contrat de travail des plaignants

Lors de l’entretien d’embauche, il n’est question que d’un « outil révolutionnaire », assurent ces trois Parisiens, qui cherchent à arrondir leur fin de mois. « On m’a aussi demandé si je fumais. J’ai dit non », raconte Jérémy. Les recruteurs s’intéressent surtout à leur réseau. « Vous avez des amis sur Facebook, vous connaissez du monde ? Dans quel endroit vous sortez ? » les interrogent-ils. « Ces questions m’ont un peu étonné mais comme j’ai été coopté par un copain pour postuler, je ne me suis pas méfié », poursuit Jérémy.

Le contrat, un CDD de trois mois, payé au smic, précise qu’ils doivent « présenter, accompagner les utilisateurs […] d’un produit issu des nouvelles technologies […] respecter scrupuleusement le secret le plus absolu à l’égard des tiers pour toute information recueillie à l’occasion de leurs fonctions ». Rien de plus.

Dix jours plus tard, lors de la formation, un représentant de… Philip Morris est dans la salle. Et présente la fameuse IQOS. « On nous a tout de suite dit que ce n’était pas une cigarette », explique Thibault. Le discours est bien rodé. « Ils nous ont expliqué que la cigarette était amenée à disparaître et qu’ils bossaient depuis 15 ans sur cette alternative révolutionnaire », rapporte Paul. Les garçons doivent s’entraîner à la vendre. Le jeu de rôle commence. « Non, il ne faut pas dire fumer mais consommer », corrige le représentant de Philip Morris.