Publié aux Editions Quanto, ce voyage aux confins de l’esprit de Michael Pollan, nous embarque sur la planète psychédélique, celle où des substances comme le LSD ou les champignons psilocybes, par exemple, ont acquis du galon… Après avoir eu leurs heures de gloire dans les années 50 et la première moitié des années 60, ils ont été mis au ban de la société, pour enfin renaître au XXIème siècle… Et si l’ouvrage est sous-titré « Ce que le LSD et la psilocybine nous apprennent sur nous-mêmes, la conscience, la mort, les addictions et la dépression », c’est qu’il y a sûrement matière à consacrer plus de 400 pages à ce sujet. C’est du moins la conviction de l’auteur, journaliste scientifique travaillant au New York Time…
Dans l’imaginaire collectif, les substances psychédéliques, et le mouvement qui y est associé, le psychédélisme, sont souvent entourés d’un halo de couleurs qui nous projette dans les années 60 et la contre-culture particulièrement médiatisée à cette époque-là. Et pourtant l’aventure avait démarré bien avant, dans un temps où il n’était pas encore question d’usages dits “récréatifs“ mais de recherches scientifiques en vue d’usages dits “thérapeutiques“. Le coup d’arrêt à cet élan de curiosité, ou du moins à ces usages au grand jour, fut probablement le retrait, en 1966, que fit le laboratoire suisse Sandoz du Delysid® (LSD), un de ses produits phares, suite aux inquiétudes sociétales qui étaient nées d’une disponibilité croissante du psychédélique et des méfaits qui y été associés alors, méfaits soutenus par une propagande gouvernementale qui ne voyait pas la substance d’un bon oeil, et surtout ses usagers, et finit par l’interdire au début des années 70… Pendant quelques décennies, le LSD, ainsi que des substances hallucinogènes comme les psilocybes, se furent plus discrètes, réservées à la marge, et l’on sait bien ce que cette marge peut engendrer comme fantasmes et mythes. Mais quand un produit a fait l’objet d’autant de recherches et d’expérimentations, difficile de les enfouir suffisamment profondément pour qu’elles soient hors de portée de scientifiques curieux qui ne cherchent qu’à les faire renaître… Michael Pollan fait partie de ces curieux, journaliste lui, qui se sont intéressés à cette renaissance de ces psychédéliques et ont essayé de comprendre ce qu’il y avait à retirer de ces substances qui restent encore assez mystérieuses, et même peut-être encore effrayantes pour le commun des mortels. Le journaliste est allé jusqu’à s’essayer à la consommation de ces produits en espérant que l’expérience lui en apprendrait un peu plus sur eux mais aussi par la même occasion sur lui, et plus globalement, sur le fonctionnement du cerveau… Mais avant de s’aventurer plus avant sur cette renaissance des psychédéliques, sur les mécanismes cérébraux en jeu, et sur les expériences personnelles d’un journaliste, ce dernier tient à faire un bond en arrière dans le temps pour nous raconter l’histoire de ces produits psychoactifs, ancestraux pour certains, et bien plus contemporains pour d’autres, du moins dans leur forme…
Michael Pollan, journaliste usager, curieux avant d’être patient, a su, avec cet ouvrage, ouvrir un univers parfois moqué car méconnu et chargé de tant de représentations erronées qu’il faudra probablement un certain temps pour que l’intérêt qui était porté à ces substances suite à leur découverte dans les années 50, reprenne une place qui ne soit pas à la marge…
Thibault de Vivies
(Cet article est la version courte d’un article paru dans la revue DOPAMINE.)