Addiction sexuelle: qui sont ceux qui consultent en addictologie ? Résultats d’une étude parue dans le Journal of Behavioral Addictions

Le but de cette étude était de décrire les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et psychopathologiques des  personnes en demande de soins pour une addiction sexuelle

Autres addictions comportementales

Si les comportements sexuels excessifs et incontrôlés étaient auparavant associés à ce que l’on appelait le satyriasis ou le donjuanisme chez l’homme et la nymphomanie chez la femme, ils s’intègrent aujourd’hui dans le trouble « sexualité addictive », encore appelé « addiction sexuelle », dès lors qu’ils engendrent un retentissement significatif sur le fonctionnement et une souffrance psychologique. Mais qui sont ceux-qui consultent en addictologie au sujet de leur comportement sexuel ? 72 patients consultant dans une unité ambulatoire spécialisée du Centre Hospitalo-Universitaire de Nantes ont  été inclus. En l’absence de consensus dans la littérature, les critères  du trouble hypersexualité proposés par Kafka ou un seuil significatif au SAST (Sex Addiction Screening Test) ont été retenus comme critères d’inclusion dans l’étude.

D’un point de vue sociodémographique, il ressort une très nette prédominance d’hommes (94%), d’âge moyen 40 ans, dans une relation de couple stable (64%), ayant fait des études supérieures (56%) et professionnellement actifs (74%).  Ces résultats apparaissent comparables aux données de la littérature tant en population clinique que non clinique.

La clinique apparait quant à elle très polymorphe. Concernant les comportements sexuels du sujet, on retrouve aux premiers rangs la masturbation excessive ou compulsive (100%), le visionnage de pornographie (90%), l’usage de cybersexe (78%), la multiplication des partenaires (70%), la recherche de fantaisies sexuelles (49%), l’usage de sextoys (39%), les rapports non protégés (38%) et le  sexe via le téléphone mobile (38%).  Une part importante de patients présentaient une paraphillie (60%), entité pathologique distincte de l’addiction sexuelle, avec dans 40% des cas un voyeurisme. La prévalence de la dysfonction sexuelle était comparable à celle en population générale avec 17% de dysfonctions érectiles et 12% d’éjaculations précoces.

Bien que la recherche de plaisir ou d’excitation sexuelle apparaissent comme le principal moteur à de tels comportements (46%), on retrouve également un désir de fuir la réalité (28%), l’ennui (25%), la perte de contrôle (22%) ou des rapports sexuels insatisfaisants avec le partenaire habituel (7%).  On peut s’interroger sur le rôle des nouvelles technologies, avec notamment le développement des activités sexuelles en ligne dans le trouble de « sexualité addictive », 54% des sujets de l’étude privilégiant internet à la vie réelle pour s’adonner à leurs comportements addictifs.

Les conséquences psychiatriques et somatiques sont importantes, et s’associent à une altération des fonctionnements familial, social, professionnel, économique et judiciaire. Les comportements les plus fréquemment mis en cause étaient la multiplication des partenaires, l’usage de cybersexe et l’absence de protection lors des rapports sexuels.

Les principales comorbidités psychiatriques étaient représentées par  les troubles dépressifs (64%),  les troubles anxieux  (anxiété généralisée 33%, phobie sociale 42%). L’addiction sexuelle s’inscrivait souvent au sein d’une polyaddiction  avec abus ou dépendance  à la nicotine, à l’alcool, aux psychotropes ou à d’autres comportements. Le risque suicidaire apparaît également augmenté dans cette population. Le taux élevé de comorbidités psychiatriques ou addictives (90%), suggère une psychopathologie complexe et rend nécessaire leur dépistage lors de la prise en charge d’un patient consultant pour addiction sexuelle.

Émilie ORFEUVRE

Interne en Psychiatrie, Lyon

 

Gaëtan DEVOS

Psychologue Clinicien, PhD

Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL)

 

Benjamin ROLLAND

Psychiatre, Addictologue

Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL)

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