ADDICTIONS COMPORTEMENTALES / Paul Brunault : Validation française d’une échelle d'addiction à l'alimentation (échelle YFAS de Yale)

S’il est désormais bien démontré que l’alcool, le tabac ou encore la pratique des jeux de hasard et d’argent peuvent être sources d’addictions, la possibilité de développer une addiction vis-à-vis d’autres comportements (i.e., manger, avoir des activités sexuelles, utilisation d’internet) reste encore débattue.

Autres addictions comportementales

 

S’il est désormais bien démontré que l’alcool, le tabac ou encore la pratique des jeux de hasard et d’argent peuvent être sources d’addictions, la possibilité de développer une addiction vis-à-vis d’autres comportements (i.e., manger, avoir des activités sexuelles, utilisation d’internet) reste encore débattue.
Le concept d’addiction à l’alimentation postule qu’il était possible de développer une addiction vis-à-vis d’aliments riches en sucre, en graisse et/ou en sel (notamment les aliments industriels). L’augmentation de la disponibilité et de l’accessibilité de ces aliments dans les pays industriels pourrait ainsi expliquer l’augmentation majeure de la prévalence de l’obésité et des maladies cardiovasculaires dans ces pays. Selon cette hypothèse, les patients souffrant de cette addiction seraient comparables aux autres patients souffrant d’addiction, avec des difficultés à contrôler la consommation de certains aliments, l’existence de dommages en lien avec cette addiction (i.e., obésité, diabète, conséquences psychologiques et sociales) et la poursuite de ce comportement malgré ces dommages. Malgré les implications potentielles importantes de ce concept en termes de prévention et de prise en charge, les travaux portant sur cette thématique ne se sont développés que récemment et nous ne disposions pas de questionnaires pour évaluer cette addiction.

 

Dans ce travail, issu d’une collaboration avec l’équipe américaine qui a créé ce questionnaire et publié dans le Canadian Journal of Psychiatry (2017), nous avons traduit puis validé le premier questionnaire français permettant d’évaluer cette addiction selon les critères diagnostiques les plus récents (critères DSM-5 de l’Association Américaine de Psychiatrie) : la Yale Food Addiction Scale 2.0. Ce travail a démontré que ce questionnaire était bien valide pour évaluer cette addiction, et il tend à démontrer que l’addiction à l’alimentation est bien une addiction à part entière. Les personnes souffrant de cette addiction ont effectivement les mêmes symptômes que les autres patients dépendants : sevrage à l’arrêt de la consommation, envies irrépressibles de consommer, consommation malgré des dommages, et consommation spécifique d’aliments riches en sucre, en graisse et/ou en sel.

 

En mettant à disposition des cliniciens et des chercheurs le premier questionnaire évaluant l’addiction à l’alimentation, il offre également des perspectives nouvelles en termes de prévention et de prise en charge (i.e., tester  l’efficacité de thérapies ayant démontré leur efficacité dans d’autres addictions, comme par exemple les traitements ciblant le système de la récompense ; développement de stratégies de prévention de l’obésité ou du diabète en utilisant des approches déjà validées pour d’autres addictions).