Bernard Basset, médecin en santé publique, président d’Addictions France et vice-président d’Addict’AIDE, nous partage son regard d’expert sur le marché des paris sportifs.
En quoi la loi de 2010 a-t-elle bouleversé le marché des paris sportifs ?
En ouvrant le marché des jeux d’argent et de hasard à la concurrence, cette loi, que nous avons critiquée à l’époque, a généré une explosion de l’offre des nouveaux opérateurs, et par effet rebond, du nombre de joueurs en ligne et de joueurs excessifs. De nombreux opérateurs ont déployé des stratégies publicitaires agressives, notamment à destination des jeunes, afin d’acquérir des parts de marché, et ce, au détriment de la santé publique.
De quelles façons les paris sportifs sont encadrés ?
L’’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) est chargée d’encadrer les bonnes pratiques du marché. Le décret de novembre 2020 interdit les publicités qui incitent à une pratique compulsive, laisse croire que le jeu peut résoudre des problèmes personnels ou contribuer à la réussite sociale. L’ANJ doit intervenir dès qu’elle constate des infractions à la réglementation. En pratique, ce n’est pas un tribunal qui juge et sanctionne, elle oriente plutôt les pratiques des opérateurs de jeux et intervient souvent à posteriori (retraits de publicités trop agressives…). L’encadrement est faible, basé essentiellement sur l’autorégulation, la bonne volonté des opérateurs dans un climat relationnel et de négociation, plutôt que de véritables sanctions légales. Il y a un flou sur les limites et les opérateurs testent en permanence ces limites.
Une Loi Évin sur les paris sportifs, nécessaire ?
Oui, nous demandons un encadrement par la loi afin que les principes soient fixés légalement et que nous puissions aller au tribunal, comme pour les infractions à la loi Évin sur le tabac et l’alcool. Cette loi permettrait d’avoir des définitions strictes de ce qui est permis ou non. La jurisprudence pourrait être faite dès lors qu’on agirait devant des tribunaux. L’intention n’est pas d’interdire la publicité sur les paris sportifs, mais d’en réguler le volume, les contenus et les lieux de diffusion.
L’influence des réseaux sociaux, un risque additionnel ?
Les prises de parole sur les réseaux sociaux contribuent fortement à la promotion des paris sportifs, et ce n’est pas encadré. Cette loi pourrait venir poser un cadre dans ce champ-là aussi. Nous avons demandé à plusieurs reprises que les influenceurs soient concernés eux aussi par la réglementation.
Murielle Gutierrez (Amande épicée)